Enquête · 12 mar. 2009 à 23:05
Tous les matins, à 8h30, se tient une réunion dans le salon vert, à l'Elysée, autour de Nicolas Sarkozy. C'est la réunion la plus importante de la journée, là où se prennent toutes les décisions. Nicolas Sarkozy y définit la stratégie du pouvoir à l'aide de douze conseillers. C'est le gouvernement bis. Autour de la table, on trouve Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, Henri Guaino, la plume du président, Catherine Pégard, l'ancienne rédactrice en chef du Point, conseillère politique, Emmanuelle Mignon, la conseillère spéciale, Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, Cédric Goubet, chef de cabinet, Raymond Soubie, conseiller social, Jérôme Peyrat, conseiller politique, Patrick Ouart, conseiller à la justice et Franck Louvrier, conseiller en communication. Il y avait également François Pérol, remplacé depuis deux semaines par Xavier Musca. Certains s'expriment dans les médias, d'autres restent dans l'ombre. Tous ont la confiance du président. Portraits de ce gouvernement de l'ombre.
Série 2/12 : Patrick Ouart, le vrai ministre de la Justice
Patrick Ouart est né à Savenelle, commune de Pendé, le 25 mai 1959. Son père est contremaître dans une entreprise d'ébénisterie à Cayeux. Sa mère elle vient de Pendé : ses enfants auront les mêmes instituteurs qu'elle. Il suit ensuite sa scolarité au collège de Saint-Valery-sur-Somme et au lycée Boucher-de-Perthes d'Abbeville. Dès cette époque, il s'intéresse au droit et suit le mercredi après-midi les audiences correctionnelles. Tout naturellement, il s'inscrit en droit à l'Université de Picardie. Il intègre l'Ecole de la magistrature de Bordeaux et devient ainsi le plus jeune magistrat de France, à l'âge de 20 ans. Il est nommé auditeur de justice au tribunal de grande instance d'Amiens en 1981.
Il commence étudiant à s'intéresser à la politique. De suite, il se place à droite. Avec quelques magistrats, il crée l'Association professionnelle des magistrats (APM). Il se fait connaître alors des politiques en place. En 1986, quand la droite remporte les élections législatives, Albin Chalandon lui propose d'entrer dans son cabinet de garde des Sceaux. Dans un premier temps, il se contente d'écrire ses notes et ses discours destinés aux avocats. Mais très vite, Chalandon le nomme secrétaire général de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie. Cette période au cabinet ministériel ne dure guère : en 1988, avec le retour de la gauche au pouvoir, Patrick Ouart est remercié. Il garde un poste toutefois sans envergure au ministère de la Justice.
En 1993, Patrick Ouart retrouve un poste important grâce à la nomination d'Edouard Balladur à Matignon : conseiller pour la Justice. A ce poste, il se fait remarquer comme conseiller sans concession qui ne transige pas sur les valeurs de la Justice. Il doit notamment travailler sur les dossiers de trois ministres mis en cause dans des scandales financiers : Gérard Longuet, Alain Carrignon et Michel Roussin, qui seront tous trois condamnés.
Au cabinet d'Edouard Balladur, Patrick Ouart se rapproche de Nicolas Sarkozy. Tous deux font partie de l'équipe chargée de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur. Après l'échec cuisant du candidat face à Jacques Chirac, Patrick Ouart n'a plus rien à faire en politique.
Dans un premier temps, Patrick Ouart est secrétaire général de la Légion d'honneur. Ensuite, il décide de travailler pour Suez. Enfin, il entre dans l'industrie du luxe en tant que conseiller de Bernard Arnault et membre du comité exécutif de LVMH.
En 2004, Patrick Ouart est mis en examen en Belgique. Il occupe le poste de secrétaire général du groupe Suez. On découvre un mouchard sur l'ordinateur d'un employé d'Electrabel, filiale de Suez en Belgique. Une instruction judiciaire est ouverte prouvant que Suez a commandité des intrusions informatiques chez Electrabel dans le but d'espionner l'un de ses employés qui travaillerait pour une entreprise ennemie. Patrick Ouart est mis en cause pour avoir recruté trois personnes chargées de pirater l'ordinateur ce fameux cadre. Finalement, l'affaire est classée.
Malgré leur départ de Matignon et des carrières distinctes, Nicolas Sarkozy et Patrick Ouart ne se sont pas perdus de vue. Le soir de son élection, le nouveau président de la République téléphone aussitôt pour demander à Patrick Ouart de devenir son conseiller justice. Il ne lui laisse pas le choix. L'ancien conseiller d'Edouard Balladur ne peut refuser une telle opportunité.
Discret avec les médias mais efficace, Patrick Ouart s'occupe de tous les dossiers ayant trait à la justice quitte à marcher sur les plates-bandes de la garde des Sceaux, Rachida Dati, qu'il ne peut supporter, pointant son incompétence.
Parce qu'il est beaucoup plus puissant et écouté que la ministre de la Justice, il met en place de nombreuses réformes. C'est lui, et non le cabinet de la garde des Sceaux, qui rédige le discours sur la disparition des juges d'instruction en janvier 2009 qui provoque de nombreuses polémiques : cette réforme priverait les magistrats de leur indépendance. C'est lui encore qui est chargé de nommer certains magistrats comme Gilbert Azibert au secrétariat général de la chancellerie ou François Falletti à la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Patrick Ouart, passionné de chasse et d'Histoire, souhaiterait retourner faire fortune dans le privé. Nicolas Sarkozy lui demande d'attendre la fin de l'année 2009.