Le duel Rocard/Mitterrand de la fin des années 1970

Rétrospectives · 4 mar. 2008 à 23:56

Rocard et Mitterrand

A l'issue de la défaite de 1974, François Mitterrand est convaincu que son heure viendra lors de la prochaine présidentielle, en 1981. Mais il va devoir affronter une double crise à gauche qu'il n'avait pas prévu : le Parti Communiste, sur le déclin, fait éclater l'Union de la gauche en mettant un terme au programme commun. Et au Parti Socialiste, l'échec des législatives de 1978 et l'âge de Mitterrand (62 ans) expliquent qu'une partie des socialistes souhaitent que le leader de la gauche se retire. Dans ce contexte, le duel Rocard/Mitterrand pour le contrôle du PS, puis la candidature à la présidentielle, a constitué un obstacle sérieux dans la marche de François Mitterrand vers le pouvoir.


François Mitterrand a eu plusieurs vies : un passé trouble pendant la guerre, une carrière de ministres sous la IVe République, 23 ans d'opposition avant devenir le premier, et pour l'instant l'unique, président de gauche de la Ve République. A cette vie professionnelle si remplie s'ajoutait une double vie personnelle et une personnalité énigmatique. Homme de lettres, souvent distant, le 4ème président de la Ve République fascine encore aujourd'hui, 12 ans après sa mort.

Politique.net publie la biographie de François Mitterrand sous la forme d'un feuilleton en 15 épisodes, du 25 février au 10 mars 2008.

8ème épisode : La stratégie de Mitterrand contrariée par Michel Rocard

Mitterrand et le pouvoir

La victoire de la gauche aux élections municipales de 1977

Lors des élections municipales de 1977, la gauche a appliqué au niveau local l'alliance entre le Parti Socialiste et le Parti communiste conclue lors du programme de commun de 1972. Sur l'injonction des deux partis, de nombreux maires socialistes ont dû renoncer à leurs alliances traditionnelles avec des centristes pour faire liste commune avec des communistes. L'Union de la gauche décidée à Paris devait se traduire dans chaque commune.
Et la formule marche. Les municipales 1977 sont un véritable raz-de-marée pour la gauche, qui profite d'abord à un Parti socialiste remportant deux fois plus de villes que le Parti communiste. Pour l'opinion, cette victoire est annonciatrice d'une autre victoire probable : celle aux élections législatives l'année suivante.
Seulement, dans la victoire de 1977, on retrouve paradoxalement les germes de l'éclatement de l'Union de la gauche. Le leader communiste, Georges Marchais, qui, jusque-là s'était montré favorable à François Mitterrand, prend désormais ses distances suite à la contre-performance de son parti. Ainsi, le 14 septembre 1977, il fait échouer le programme commun de la gauche auquel François Mitterrand était très attaché.

François Mitterrand et Georges Marchais

L'échec des législatives de 1978

Sans alliance, la gauche aborde les élections législatives de 1978 en ordre dispersé. Dans le même temps, la défaite aux municipales de 1977 a ressoudé la droite. Alors que la victoire de l'Union de la gauche était possible en 1978, la désunion va permettre à Giscard d'Estaing de conserver sa majorité. Au premier tour, la gauche arrive en tête avec 50,2% des voix contre 46,73% pour la droite. Mais les divisions de la gauche au second tour ont entraîné de très mauvais reports de voix. Selon une enquête de la SODRES, dans le cas d'un duel communiste-UDF, sur 100 électeurs socialistes, 65 avaient voté pour le candidat communiste et 23 pour celui de l'UDF. Ce mauvais report de voix à gauche explique la défaite de Mitterrand : au second tour, la droite remporte 291 sièges de députés (plus les 68 acquis dès le premier tour) contre 200 sièges pour la gauche.

Le soir de la défaite, Michel Rocard rend François Mitterrand personnellement responsable de cet échec. Les hostilités entre les deux hommes sont officiellement ouvertes.

Mitterrand et Rocard, législatives 1978

Le congrès de Metz d'avril 1979 : Mitterrand contre Rocard

Le congrès de Metz verra Michel Rocard et François Mitterrand se battre véritablement pour la prise du PS. L'enjeu est double : non seulement, les militants désigneront le Premier secrétaire mais surtout, il laissera présager du nom du candidat pour l'élection présidentielle de 1981. Deux familles du socialisme s'opposent : celle de François Mitterrand qui espère conserver l'union de la gauche malgré la rupture avec les communistes, et celle de Michel Rocard qui souhaite une plus grande autonomie du PS. Finalement, la motion Mitterrand remporte 46,99 % des suffrages et celle de Rocard 21,26 %. Le premier s'allie avec Defferre et le CERES et obtient la majorité contre Rocard allié à Pierre Mauroy. François Mitterrand devient, jusqu'à l'élection présidentielle, Premier secrétaire.

Congrès de Metz en 1979

Présidentielle de 1981 : Michel Rocard s'éclipse devant la candidature de Mitterrand

Malgré son échec lors du congrès de Metz de 1979, Michel Rocard n'avait pas renoncé à l'élection présidentielle. D'octobre 9179 à avril 1980, les Français considéraient Michel Rocard comme le meilleur candidat socialiste. Les sondages de l'époque étaient sans appel : entre 47% et 54% d'opinions positives pour Michel Rocard contre 30% à 34% d'opinions positives pour François Mitterrand. Auprès des électeurs socialistes, l'écart était aussi très important : en août 1980, Rocard a 54% d'opinions positives pour une candidature contre 37% pour François Mitterrand.
Deux raisons peuvent expliquer cet écart : Michel Rocard a ouvertement déclaré ses intentions alors que Mitterrand restait très évasif. En outre, Mitterrand restait marqué par deux défaites, celle en 1974 et l'échec de 1978 alors que Rocard pouvait passer pour un homme neuf, sa défaite en 1969 étant lointaine dans l'esprit des Français.
Mais Michel Rocard va commettre un faux-pas en faisant une déclaration de candidature prématurée et maladroite : il veut se présenter dans le respect des institutions de son parti. De fait, le 19 octobre 1980, il prononce une allocution depuis sa mairie de Conflans-Sainte-Honorine. Il annonce sa candidature mais déclare dans le même temps qu'il se retirerait de la course à la présidentielle si Mitterrand était de nouveau candidat. Cette position a mal été comprise par l'opinion et fit un flop.
Le 8 novembre 1980, François Mitterrand a annoncé sa candidature et Michel Rocard a aussitôt retiré sa candidature.

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