Revue de presse · 29 sep. 2014 à 19:02 · 0
Voilà un décret qui est passé complètement inaperçu : le 29 décembre 2011, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, l'Etat a mis en place le principe de "compensation" environnementale. En clair, les industriels du bâtiment peuvent construire dans des zones où les espaces animales et végétales sont protégées, à condition de "compenser" les dégâts. Concrètement, "il s'agit de réparer la biodiversité à l'équivalent de ce qui a été détruit (voire plus) sur un terrain situé si possible au plus près du chantier", explique Le Canard enchaîné qui a révélé l'affaire, dans une indifférence générale.
Sur le papier, l'idée est donc plutôt écologique. C'est le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) qui est chargé d'étudier les dossiers. Prolongement d'autoroutes ou de lignes TGV, construction de zones d'activité ou de parcs immobiliers : si ces projets se font sur des zones protégées, les industriels doivent compenser ces destructions. On détruit une forêt protégée ? Des arbres sont plantés ailleurs. Une zone humide protégée est asséchée ? On remet un lac un peu plus loin.
Revers de la médaille : sous-prétexte que l'on peut "compenser", de plus en plus de dérogations sont accordées. Le nombre de dossiers traités par le CNPN est ainsi passé de 44 à 297 par an. On détruit à tout va... et on compense comme on peut. Comme on peut, car une vraie concurrence s'est installée entre les bureaux d'étude qui proposent, clé en main, des projets de compensation. Quitte parfois à proposer des chantiers incohérents, comme par exemple ce bureau d'étude qui a suggéré de construire des nichoirs pour les chauve-souris... alors que les chauve-souris ne nichent pas.
Et les exemples farfelus de ce type sont nombreux : à Marseille, le projet de terminal méthanier Fos Faster, en Camarge, prévoit , par exemple, de compenser 140 hectares de terre ferme où vivent des lézards et des oiseaux protégés par 123 hectares de marais. Très bien. Sauf que Le Canard rappelle que les marais sont la plupart du temps immergés. Et jusqu'à preuve du contraire, les oiseaux et les lézards ne savent pas encore nagés.
La destruction d'espaces protégées est devenue un véritable business : "Pour une ZAC d'une dizaine d'hectares à proximité de zones humides avec quelques espèces protégées, il faut compter 15 000 euros l'étude. Et 50 000 euros pour les aménagements", explique un professionnel du secteur. Des sociétés ont même racheté des centaines d'hectares de terrains qui serviront uniquement à des projets de "compensation". Avec l'effet pervers qui va avec : si le nombre de ces sociétés qui "stockent" des hectares disponibles se multiplie, elles auront besoin de toujours plus de destructions pour être rentables. Avec le risque de proposer des projets farfelus comme on l'a vu... sans que l'Etat n'y trouve rien à dire puisqu'il n'y a aucune obligation de résultats. Si les oiseaux protégés ne s'adaptent pas aux nouveaux espaces créés, tant pis pour eux !
*** Sources
- "La pipistrelle rapporte gros", Le Canard enchaîné n°4895, 20.08.2014
- "La pipistrelle rapporte gros 2", Le Canard enchaîné n°4896, 27.08.2014
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