L'échec scolaire et l'immigration : Claude Guéant ne sait pas lire des statistiques

Revue de presse · 25 mai 2011 à 23:28

Echec scolaire de Claude Guéant

Depuis son arrivée au ministère de l'Intérieur, Claude Guéant ne cesse de faire des déclarations montrant les méfaits de l'immigration. Dimanche 22 mai, au micro d'Europe 1, cette fois, le ministre s'en est pris aux enfants, déclarant : « Contrairement à ce qu'on dit, l'intégration ne va pas si bien que ça : le quart des étrangers qui ne sont pas d'origine européenne sont au chômage, les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés. » Parents (au travers la FCPE) comme syndicats d'enseignants se sont indignés de ces propos injurieux.


Mais, Claude Guéant s'appuie-t-il sur des données scientifiques ou bien donne-t-il son impression personnelle ?

Immigration et échec scolaire : des chiffres qui ne sont pas significatifs

Dès le mardi 24, face au tollé général, Claude Guéant a déclaré à l'AFP que ses propos ne stigmatisaient en rien ces élèves mais sont « le constat de difficultés de notre politique d'intégration ». De plus, « ces chiffres sont tout simplement ceux que donnent tant l'Insee que l'OCDE » ainsi du le « rapport 2010 du Haut Conseil à l'Intégration (HCI) sur les défis de l'intégration à l'école ».
Libération a donc consulté le rapport du HCI pour vérifier les dires de Claude Guéant qui est donc convaincu que les deux tiers des échecs scolaires sont imputables aux enfants d'immigrés. Ainsi, selon le rapport, 40% de ces enfants entre en seconde générale et technologique sans avoir jamais redoublé contre 50% des autres enfants. L'écart n'est donc que de 10 points. Et parmi ceux qui auraient redoublé une fois entre l'entrée au collège et l'année du baccalauréat, ces enfants d'immigrés sont 27% à passer l'examen contre 40% des Français. L'écart n'est donc que de 13 points.

Rapport HCI : le milieu socio-économique est déterminant dans la réussite scolaire

Le rapport HCI montre que c'est surtout le milieu socio-économique des enfants qui est essentiel dans leur réussite scolaire, qu'ils soient français ou étrangers. Il en résulte que « si l'on compare les résultats scolaires des enfants d'immigrés à sexe, structure, taille de la famille, diplôme, activité et catégorie socioprofessionnelle des parents comparables avec les élèves non immigrés, leur moindre réussite scolaire s'atténue fortement. » Et plus loin : « Dans l'enseignement secondaire, à situation sociale, familiale et scolaire comparables, les enfants d'immigrés atteignent plus fréquemment une seconde générale et technologique, obtiennent plus souvent le bac général et technologique sans avoir redoublé et sortent moins souvent sans qualifications que les enfants de personnes non immigrées. »

Les statistiques de l'OCDE et de l'INSEE insistent sur les inégalités sociales et non l'immigration

Claude Guéant, pour se défendre, cite également les statistiques de l'OCDE et de l'Insee qui proviennent des rapports Pisa dont la mission est de mener une « enquête tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l'OCDE et dans de nombreux pays partenaires » et d'évaluer « l'acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire ». Selon le rapport de 2009, Pisa a montré « qu'au plus un cas d'échec scolaire sur quatre concerne un enfant d'immigrés ». Pisa déplore le fait qu'en France, plus que dans les autres pays, l'école ne parvient pas à réduire les inégalités des chances puisque c'est le milieu socio-économique qui est déterminant, voire « plus grand que la moyenne de l'OCDE ». Il apparaît que, dans la plupart des cas, les familles immigrées sont plus pauvres que la moyenne des Français.

Le rapport Pisa a réclamé à la France que soient délivrés aux élèves de primaires davantage d'aides et de soutiens scolaires. Or, la politique actuelle menée par le gouvernement prévoit de faire des économies drastiques dans l'Education nationale notamment en supprimant à la rentrée prochaine 16 000 postes d'enseignants et en chargeant les classes de deux élèves supplémentaires en moyenne. Dans ces conditions, difficile de venir en aide aux élèves les plus en difficulté, qu'ils soient issus de l'immigration ou pas.


par Anne-Sophie Demonchy



*** Sources
- Emmanuel Defouloy, « Echec scolaire et immigration: Guéant suscite un tollé dans le monde éducatif », AFP, 24 mai 2011.
- Cédric Mathiot : « Immigrés : Guéant en échec scolaire », Libération, 25 mai 2011.




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