Le cabinet noir d'Yves Bertrand s'est servi du Figaro pour déminer un livre explosif

Livres politiques · 5 déc. 2008 à 23:07

Eric Halphen et Yves Bertrand

Comment étouffer dans l'oeuf un livre qui pourrait faire polémique et secouer la République ? L'éditeur Guy Birenbaum a été confronté au problème du torpillage. Alors qu'il doit publier un document sur le juge Eric Halphen, adversaire de Jacques Chirac, le « Cabinet noir », dirigé par Yves Bertrand, se serait mis en branle pour saboter sa sortie ou en réduire son importance. C'est cette expérience troublante que Guy Birenbaum rapporte dans son livre-témoignage, Le Cabinet noir, au coeur du système Yves Bertrand, aux éditions Les Arènes.


Série : Comment déminer un livre explosif...

Le cabinet noir

En 2002, le juge Halphen sort un livre contre Jacques Chirac

Eric Halphen est le juge qui s'est occupé notamment de l'affaire des HLM de Paris. Au cours de son enquête, il a convoqué, en vain, Jacques Chirac, alors Président de La République, pour rendre compte de son implication dans cette affaire complexe. Toutefois, le juge se déclare incompétent pour instruire le cas du président, à cause de son immunité. Finalement, le juge Halphen est dessaisi de l'affaire. Il demande une disponibilité pour passer à autre chose, écrire notamment.
En 2002, Eric Halphen a écrit un pamphlet intitulé Sept ans de solitude, dans lequel il raconte les dessous de l'affaire des HLM et les relations que la justice entretient avec les politiques ou les médias notamment. C'est Guy Birenbaum, éditeur de documents chez Denoël, qui doit publier le livre.

Le plan de com est torpillé par Le Figaro

Alors que Guy Birenbaum vient de négocier avec le quotidien Libération la publication des bonnes feuilles début mars pour le lancement de Sept ans de solitude, Eric Halphen apprend le 28 février 2002 que Le Figaro compte publier des extraits du livre dans son édition du lendemain et même d'en faire la Une.
Guy Birenbaum ne comprend pas la situation : les services de presse n'ont pas encore été envoyés aux journalistes et tout le livre a été préparé en interne afin d'éviter les fuites. Il contacte alors Le Figaro qui lui confirme que « le quotidien s'apprête à écrire qu'il n'y a rien d'explosif dans l'ouvrage ».
L'objectif est donc de court-circuiter le lancement de Sept ans de solitude dans Libération en descendant le livre, extraits à l'appui. Pour Guy Birenbaum, cette mésaventure déloyale est commanditée par Yves Bertrand : « c'est la première marque visible du cabinet noir sur mon chemin ».

Les « petites mains » du RPR avaient récupéré le livre à l'imprimerie

Dès le 3 mars, le Journal du Dimanche explique comment le Figaro est parvenu à se procurer des extraits de Sept ans de solitude qui compromettait certains politiques, dont Jacques Chirac, impliqués dans l'affaire des HLM : « des petites mains » du RPR auraient pris le livre. L'Elysée aurait été « au courant de la manip', mais pas aux commandes », Jacques Chirac n'aurait pas encouragé mais aurait laissé faire.
Guy Birenbaum a appris par la suite que le juge Halphen était suivi par des paparazzi au service de la chiraquie qui se méfiait de lui.


Cette première mésaventure aurait donc permis à l'éditeur de mesurer le pouvoir du Cabinet noir, capable de nuire au lancement d'un livre compromettant en volant des extraits à l'imprimerie pour les remettre à un journal qui accepte le deal.



Guy Birenbaum, Le cabinet noir : Au coeur du système Yves Bertrand, Editions Les Arènes, décembre 2008

Commentaires