Simone Veil, parcours d'une femme politique atypique

Enquête · 14 mar. 2007 à 14:45

Simone Veil et Nicolas Sarkozy

Pourquoi Simone Veil a-t-elle rallié Nicolas Sarkozy ? Pourquoi ne soutient-elle pas le candidat centriste, François Bayrou, alors qu'elle est issue des rangs de l'UDF ? On ne peut répondre à ces questions que si l'on connaît le parcours de cette femme politique atypique. Retour sur une carrière politique qui a débuté en 1974.

Origine et formation

Simone Jacob est née le 13 juillet 1927, à Nice, dans une famille juive de quatre enfants. Elle est élevée néanmoins dans un environnement laïc. Dans les années 1940, elle n'est plus autorisée, comme tous les juifs, à se rendre à l'école. Elle doit se cacher. Sa soeur aînée s'engage dans la Résistance mais est arrêtée comme le reste de sa famille et déportée à Auschwitz. Simone Jacob et ses deux soeurs sont les seules survivantes.
Dès son retour en France, Simone Veil commence des études de droit et entre à l'Institut d'études politiques à Paris où elle rencontre Antoine Veil qu'elle épouse en octobre 1946. Celui-ci entre comme attaché de cabinet de Pierre-Henri Teitgen, vice-président du Conseil, en 1947. Le couple Veil commence donc à fréquenter les centristes du Mouvement républicain populaire (MRP).
Lorsque Simone Veil obtient le concours de magistrature en 1956, elle débute sa carrière en travaillant à l'administration pénitentiaire. Elle s'occupe des femmes et des jeunes détenus. Elle s'engage notamment en faveur des détenus Algériens menacés par l'OAS durant la guerre d'indépendance et veille à leur rapatriement en France.
En 1964, elle change de poste et dirige les affaires civiles. Elle s'occupe particulièrement des problèmes d'adoption. Dès le commencement de sa carrière professionnelle, Simone Veil s'est tournée vers les affaires sociales et a ainsi déclaré : « aussi longtemps que je remonte, je me suis toujours occupée des exclus ».

La première femme à accéder aux plus hauts postes

Dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, elle occupe le poste de secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature au cabinet de René Pleven, garde des Sceaux. Elle est alors, en 1970, la première femme de France à accéder à ce poste. Dès cette époque, elle prend position en faveur de l'avortement.
Lorsque Giscard d'Estaing se retrouve au second tour des élections présidentielles de 1974 face à François Mitterrand, Simone Veil lui apporte son soutien. Il est élu président de la République et la nomme alors ministre de la Santé. Elle est encore une fois la première femme à obtenir un poste à si haute responsabilité dans un gouvernement. Elle incarne un symbole : celle de la considération des femmes en politique.
Le 26 novembre 1974, Simone Veil présente devant l'Assemblée nationale son projet de loi sur l'avortement. Malgré les dissensions au sein même de la majorité, elle maintient sa position et fait voter la loi. Elle devient ainsi la femme la plus célèbre de France et acquiert une popularité auprès des Français jamais démentie.

Simone Veil, défenseur de l'Europe

En 1979, Valéry Giscard d'Estaing lui demande de mener la liste de l'UDF aux premières élections du Parlement européen, elle qui défend les valeurs de l'Europe. Elle devient alors présidente du premier parlement européen. En janvier 1982, elle abandonne la présidence. Au cours de sa carrière politique, elle a toujours combattu la montée de l'extrémisme, le terrorisme, les alliances locales avec le Front national.
Dans le gouvernement d'Edouard Balladur en 1993, Simone Veil est ministre d'Etat aux Affaires sociales, à la Santé et à la Ville. En 1995, elle soutient la candidature de l'ancien Premier ministre et est ensuite appelée par Juppé pour présider le Haut Conseil à l'intégration (1997). En 1998, René Monory, président du Sénat, la fait entrer au Conseil constitutionnel pour un mandat de neuf ans. En parallèle, elle préside à des associations prônant la construction de l'Europe.
Au printemps 2005, elle déclenche la polémique en encourageant les Français à voter « oui » à la Constitution européenne alors qu'un droit de réserve lui est imposé en tant que membre du Conseil constitutionnel. Elle se retire donc du Conseil le temps de la campagne pour le référendum.

Une femme sans étiquette politique

Tandis qu'en début de carrière, elle a soutenu la candidature de Giscard d'Estaing et a participé à son gouvernement, elle s'est toujours distinguée par ses prises de position opposées aux majorités censées la défendre. Elle n'a donc pas d'étiquette et a déclaré à l'émission télévision, L'Heure de vérité, qu'elle est « à gauche pour certaines questions, à droite pour d'autres ». Ainsi, le 9 mars 2007, jour de la journée des Femmes, Simone Veil a annoncé officiellement qu'elle soutenait la candidature de Nicolas Sarkozy (UMP) au détriment du candidat centriste, François Bayrou.
Ce ralliement a deux explications : d'abord, il s'agit d'une femme libre, de droite, mais qui n'appartient à aucun parti. Le soutien à Sarkozy plutôt qu'à Bayrou illustre cette liberté de choix, même si elle était membre de l'UDF. Mais c'est surtout l'absence de ligne politique claire du candidat de l'UDF qui l'a poussée à soutenir Nicolas Sarkozy. C'est tout le paradoxe de cette personnalité si complexe, Simone Veil a mené d'importants combats, fait avancer les mœurs en légalisant l'avortement, elle a pris des positions souvent proches de la gauche. Dans les gouvernements de Chirac ou de Balladur, elle incarnait la fibre sociale. Mais Simone Veil, malgré ce parcours atypique, reste une femme de droite. Et à ce titre, elle ne cautionne pas l'ouverture de Bayrou vers la gauche. Le jour de son ralliement, elle a d'ailleurs ses propos cinglants pour écarter l'hypothèse de la victoire du candidat centriste : « Bayrou ne représente que lui-même ».

*** Liens

Sur le sujet
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