Les réformes sous Giscard d'Estaing

Les années Giscard d'Estaing

Une « société libérale avancée »

La majorité à 18 ans

Dès sa prise de fonction, Valéry Giscard d'Estaing affiche sa volonté réformatrice dans sa première déclaration en tant que président : « De ce jour date une ère nouvelle de la politique française, celle du rajeunissement, et du changement de la France ». Le projet de Giscard a été résumé en une formule : faire de la France, une « société libérale avancée ». Concrètement, dans le domaine social, il souhaite des réformes de modernisation, faire en sorte qu'il n'y ait plus de décalage entre la loi et les moeurs de l'époque. Dans le domaine politique, il souhaite davantage de démocratie et laisser s'exprimer les différents courants de pensée. C'est au cours des deux premières années de son septennat que les réformes emblématiques ont été faites.

La majorité à 18 ans

La campagne de Giscard avait été placée sous le signe de la jeunesse, comme en témoigne sa stratégie de présenter Mitterrand comme un « homme du passé ». Pour marquer son action en faveur de la jeunesse, la première réforme de Giscard est donc l'abaissement de la majorité à 18 ans. Depuis 1792, la majorité était fixé à 21 ans, la réforme est donc historique. Certains y ont vu la conséquence de mai 1968, pour que la jeunesse s'exprime dans les urnes plutôt que dans la rue. A l'origine, le garde des sceaux, Jean Lecanuet, avait proposé d'accorder le droit de vote à 18 ans et de maintenir la majorité civile à 21 ans. Mais c'est l'Assemblée Nationale elle-même, au moment de la discussion du projet de loi, qui est allée plus loin en accordant la majorité à 18 ans. Politiquement, c'était risqué car, sociologiquement, la jeunesse penche davantage à gauche qu'à droite. Mais comme aucune échéance électorale ne devait avoir lieu avant plusieurs années, la réforme a été maintenue.

La légalisation de l'avortement

La deuxième réforme emblématique de la présidence de Giscard est la légalisation de l'avortement. Plusieurs mouvements féministes, comme le MLF (Mouvement de Libération des Femmes), réclamaient cette légalisation surtout que, dans la pratique, l'interdiction d'avorter était contournée. Différentes études ont montré qu'il y avait entre 500 000 et 1 million d'avortement clandestin par an. Or, la législation sur l'avortement datait des années 1920, époque d'après guerre où la politique démographique avait pour unique but de favoriser les naissances. Le projet de loi, légalisant l'IVG (Interruption Volontaire de Grossesse), a donc été confiée à une magistrate, nommée Ministre de la Santé, Simone Veil. A l'époque, le débat fut très passionné, les opposants à l'avortement considérant que l'embryon était un être vivant, l'avortement un assassinat. En novembre 1974, dans une atmosphère passionnée, le débat parlementaire a duré quatre jours. Insultée par des députés de droite, Simone Veil a même craqué en séance parlementaire sous les caméras. Cette dramatisation était accentuée par le fait que, pour la première fois, un débat parlementaire était entièrement retransmis à la télévision. L'opinion était du côté de Simone Veil et était favorable à l'avortement. Quant aux députés, sur les 285 qui ont voté la loi, 181 appartenaient à l'opposition. On peut en tirer deux enseignements : la légalisation de l'avortement n'a donc pu se faire que grâce à la gauche, le président savait que sa majorité n'était pas disposé à le suivre systématiquement sur toutes ses réformes.

La loi sur le divorce

Toujours dans sa logique d'adapter la loi à la réalité de la société, la réforme sur le divorce était un autre chantier prévu par Giscard d'Estaing. Depuis 1884, le divorce n'était possible que s'il y avait un constat de « faute » de la part d'un des deux conjoints. Or, dans sa volonté d'apaiser les tensions au sein de la société, la réforme de Giscard a instauré deux autres types de divorce : le divorce par consentement mutuel et celui pour rupture de la vie commune. Malgré les réticences de nombreux députés de droite, une majorité de députés gaullistes (UDR) ont bien voté ce texte de loi en juin 1975.

La réforme de l'audiovisuel

Depuis le début de la Ve République, la télévision et la radio étaient considérées comme des instruments au service du pouvoir par opposition à la presse, qui était entièrement libre et très critique. Le ministre de l'information Alain Peyrefitte déclarait même en 1964 : « La RTF (Radio-Télévision Française), c'est le gouvernement dans la salle à manger de chaque Français ». Giscard a cherché à assouplir la mainmise de l'Etat sur ces médias en éclatant l'ORTF en différentes sociétés : TF1, Antenne 2, France-Régions 3, Radio-France, INA (Institut National de l'Audiovisuel), SFP (Société Française de Production)...

Education : l'instauration du collège unique

La question de l'Education était centrale. Le nombre d'élèves scolarisés avait explosé : dans le secondaire, on en dénombrait 730 000 en 1945 et 3 700 000 en 1972. Après 1968, l'agitation étudiante et lycéenne ne s'est jamais arrêtée. Sous Pompidou, les universités, les lycées avaient poursuivi la mobilisation. Un des problèmes soulevés est l'absence d'égalité de traitement entre lycéens : « L'égalité des chances » si souvent réclamée, est rarement visible dans les faits. Pour tenter d'y remédier, Giscard a donc proposé une réforme, menée par le ministre de l'Education, René Haby (ancien instituteur, ancien professeur d'université en géographie et ancien recteur). La réforme de 1974, appelée « réforme Haby » instaurait un collège unique. Pour la première fois, on avançait l'idée d'un « savoir minimal », une forme de « socle de connaissance » que doit maîtriser un collégien. A l'origine, Giscard envisageait une grande réforme de l'Education, censée bouleversée en profondeur le système éducatif. Mais, dans les faits, la réforme se résume à une simple transformation des CES (Collège d'Enseignement Secondaire). Désormais, tous les élèves entrent en sixième dans un établissement unique, le collège, où ils suivent un enseignement commun jusqu'en troisième. A l'issue des quatre années, une orientation devait se faire vers des lycées professionnels ou des lycées d'enseignement général.

La réforme du conseil constitutionnel

Dans sa volonté d'ajouter davantage de transparence et de démocratie dans la vie politique, Giscard a également réformé les institutions. Parmi ces réformes, la plus importante est celle concernant le conseil constitutionnel. Cette institution, créée en même temps que la Ve République, a pour but de contrôler la politique d'un gouvernement et vérifier si les lois sont bien conformes à la constitution. Mais jusqu'en 1974, seuls le président de la République, le premier mininstre, les présidents de l'Assemblée Nationale et du Sénat pouvaient saisir le conseil constitutionnel. De fait, le pouvoir de cette institution était limitée, puisqu'elle était peu sollicitée. Avec la réforme de Giscard, le pouvoir du conseil constitutionnel sort considérablement renforcé puisque, désormais, 60 députés ou sénateurs peuvent saisir cette institution pour vérifier la conformité d'une loi. En assouplissant les règles de saisine, Giscard a fait du conseil constitutionnel un véritable acteur de contrôle du pouvoir exécutif.

Le bilan des réformes

En résumé, les principales réformes qui ont marqué le septennat de Giscard d'Estaing ont donc concerné pour l'essentiel, des questions de société. Sans négliger la portée de ces transformations, force est de constater que la préoccupation principale des Français, à cette époque, est la crise économique. Avec les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, la France, après 30 années de croissance économique, doit faire face pour la première fois a une forte hausse du chômage. Giscard et ses deux premiers ministres successifs, Jacques Chirac et Raymond Barre, ont tenté de juguler cette crise, mais avec beaucoup de difficultés et peu de résultats probants.