Realpolitik

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Russie, Chine, Libye, le président de la République ne renonce à aucune visite, ni aucune discussion au nom de la "realpolitik". Ce terme est repris en boucle par la presse depuis quelques jours pour qualifier la politique diplomatique de Nicolas Sarkozy. Mais qu'est-ce que la realpolitik ? Quelle est l'origine de cette expression ?

Des relations peu fréquentables

Nicolas Sarkozy se rend en Chine, dans la plus grande dictature du monde, pour signer des contrats commerciaux d'un montant de 20 milliards de dollars. Il appelle Vladimir Poutine après sa victoire lors des élections législatives russes alors que toute la communauté internationale condamne des élections entachées d'irrégularités. Cette semaine, le chef de l'Etat accueille le président libyen qui n'était plus venu en France depuis 1973, et pour cause, le colonel Kadhafi considère le terrorisme comme légitime pour les pays pauvres. A chaque fois, les défenseurs des droits de l'homme dénoncent la complaisance de Nicolas Sarkozy à l'égard de chefs d'Etat qui bafouent ouvertement les droits de l'homme.

Donneurs de leçon contre pragmatiques ?

Les défenseurs des droits de l'homme sont qualifiés de donneurs de leçon par le président de la République. A une posture morale, Nicolas Sarkozy préfère l'efficacité de la "realpolitik". A ceux qui dénoncent les honneurs de la France à l'égard de dictateurs, le chef de l'Etat oppose deux arguments : les discussions avec Kadhafi ont permis à la France de libérer les infirmières bulgares injustement emprisonnées depuis plus de 8 ans. Deuxièmement, les négociations avec des Etats comme la Libye ou la Chine permettent à la France de conclure des contrats de plusieurs milliards d'euros synonymes de milliers d'emplois. De leur côté, les défenseurs des droits de l'homme considèrent que ce type de relations légitime ces régimes dictatoriaux. Les infirmières bulgares ont été libérées mais elles ont été torturées pendant leurs huit années d'emprisonnement.

La realpolitik, histoire d'une expression

Pour justifier les discussions avec des chefs d'Etat peu fréquentables, les diplomates ont un mot : la "realpolitik". Ce terme allemand qui signifie "politique réaliste" décrit une politique internationale basée plus sur des questions pratiques que sur des considérations éthiques. Le terme a été utilisé pour la première fois à la fin du XIXe siècle pour résumer la politique de Bismarck qui essayait de maintenir des relations pacifiques entre les empires européens.
Par la suite, cette expression a été reprise pour qualifier une politique diplomatique qui ne ferme la porte à personne. Dans son livre intitulé Diplomatie et publié en 1996, Henry Kissinger définit la Realpolitik comme étant "la politique étrangère fondée sur le calcul des forces et l'intérêt national".

La question des moyens de pression sur les dictatures

Derrière la querelle entre partisans de la realpolitik et défenseurs des droits de l'homme se cache la question de l'efficacité des moyens de pression sur les dictatures. La mise à l'écart des régimes autoritaires qui pratiquent la torture est une question éthique. Du point de vue de la morale, il apparaît difficile de faire du commerce avec des Etats qui bafouent les droits de l'homme.
Dans le même temps, la plupart des diplomates explique que pour faire pression sur un Etat, il faut que cet Etat ait quelque chose à perdre. Couper toute relation diplomatique et commerciale avec un pays, c'est se couper de toute possibilité de moyens de pression sur les dirigeants de cet Etat. A l'inverse, entretenir des relations commerciales permet le cas échéant de menacer d'y mettre un terme.

Finalement, partisans et détracteurs de la realpolitik ne raisonnent pas sur le même plan. Les uns espèrent des changements à moyens termes par le biais d'une stratégie par étape qui ne nuit pas aux intérêts immédiats. Les autres prennent une posture morale et refuse toute compromission qui serait perçue comme une forme de légitimation indirecte de régimes autoritaires. Pendant qu'on livre des avions à la Libye, on continue de torturer dans les prisons de ce même pays. Dès lors, chacun s'arrange comme il peut avec cet effrayant télescopage des réalités.

*** Liens

- Qu'est-ce que les droits de l'homme ?
- Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948)