Les années Pompidou
Au cours des premières années du mandat de Georges Pompidou, l'opposition est faible, encore marquée par son échec aux présidentielles puisque la gauche n'avait même pas réussi à qualifier leur candidat au second tour. De plus, la politique menée par Pompidou est accueillie favorablement par le peuple, les sondages sont bons et les élections partielles tournent à l'avantage de la droite. C'est donc au sein même de la majorité qu'apparaissent les premières difficultés : en quelques mois, la droite parvient à s'affaiblir elle-même.
Les relations entre les deux hommes sont d'abord bonnes : mise à part le discours de « Société Nouvelle » de Chaban-Delmas qui provoque la polémique, les deux hommes ont une même vision des institutions. Le président dirige et le chef du gouvernement applique sa politique. Par ailleurs, tous deux veulent accorder plus de pouvoir au parlement alors que De Gaulle avait limité son rôle. Pompidou et Chaban-Delmas se montrent donc à l'écoute des parlementaires. Ces derniers doivent désormais voter le soutien au chef du gouvernement à l'issue du premier discours de politique générale. Par ailleurs, le recours au vote bloqué qui consiste à refuser tout amendement, c'est-à-dire à faire voter la loi du gouvernement sans possibilité de la modifier, est peu utilisé pour que les députés puissent exprimer leur avis et modifier les projets de loi.
Finalement, le vrai problème entre les deux hommes est qu'ils n'ont pas la même vision de la société. Jacques Chaban-Delmas a une conception proche de la gauche réformiste : il veut la modifier et faire en sorte que les plus défavorisés puissent bénéficier des progrès et de la croissance. Il gouverne donc plutôt au centre-gauche. A l'inverse, Pompidou a une vision plus conservatrice de la société à l'image des gaullistes pour qui mai 1968 est un simple complot organisé par des groupuscules d'extrême-gauche. Dès que les sondages ont commencé à marquer un affaiblissement du premier ministre, les tensions ont donc été de plus en plus vives.
L'Union des Démocrates pour la République (UDR), parti gaulliste, est majoritaire à l'Assemblée depuis les élections législatives de 1968. Mais la mort de De Gaulle a entraîné une crise d'identité et la formation de plusieurs clans au sein de ce parti. Ceux que l'on pourrait appeler les « gaullistes orthodoxes » reprochent à Pompidou sa politique d'ouverture. Mais la cible principale est le premier ministre Jacques Chaban-Delmas. Les Gaullistes lui reprochent son concept de « nouvelle société » perçue comme une critique de la politique du général De Gaulle. Sa tendance à gouverner au centre, sa politique sociale fondée sur le dialogue accordant un rôle important aux syndicats, irritent les gaullistes les plus conservateurs encore traumatisés par mai 1968. Ces divisions au sein du parti majoritaire sont une aubaine pour une autre partie de la droite : les Républicains Indépendants.
Valéry Giscard d'Estaing avait du renoncer à la présidentielle en 1969 et avait fini par soutenir Pompidou. Mais son ambition était intacte : faire des Républicains Indépendants la force principale de droite et mettre en minorité les gaullistes. Créée en 1966, la Fédération nationale des Républicains Indépendants regroupe des hommes politiques de droite fidèles à Giscard d'Estaing comme Michel Poniatowski, Michel d'Ornano et Jean-Pierre Soisson. En tant que minitre des Finances, Giscard est contraint de soutenir le gouvernement. Mais ses proches n'hésitent plus à critiquer la politique de l'UDR. Concrètement, les Républicains Indépendants souhaitent davantage de pouvoir au parlement, une politique économique plus libérale et surtout ils tentent d'approcher les centristes pour former un grand parti politique libéral et centriste. Dans ce contexte, la droite semble de plus en plus divisée.