La politique de Pompidou et la « nouvelle société »

Les années Pompidou

Poursuite de la politique étrangère de De Gaulle

Chaban-Delmas, le 16 septembre 1969

Dès son élection, Pompidou entend poursuivre l'action du général De Gaulle dans deux domaines : l'économie et les affaires étrangères. En politique étrangère, Pompidou poursuit les orientations de son prédécesseur et confirme l'indépendance de la France vis-à-vis des Etats-Unis et l'URSS en pleine période de guerre froide. Alors que la France fait partie du bloc occidental, Pompidou prend ses distances avec la politique américaine, notamment au Vietnam, tout en entretenant de bonnes relations avec l'URSS sans basculer dans le camp soviétique. Par cette relative neutralité, la France garde une forme d'indépendance.

Une politique économique de modernisation de l'industrie

En politique économique, Pompidou poursuit les réformes qu'il avait déjà commencées lorsqu'il était premier ministre : modernisation de l'économie grâce aux investissements dans les secteurs aéronautiques ou spatiaux. Il a notamment réussi à convaincre les autres partenaires européens de créer une Agence spatiale européenne et le programme de lanceur spatial Ariane. Par ailleurs, il met en place une politique de fusion au sein de chaque secteur économique pour constituer de grands groupes puissants : Rhône-Poulenc en chimie, Usinor pour la sidérurgie. Pour éviter les déséquilibres liés à ces regroupements d'entreprise, il soutient la DATAR (Direction de l'Aménagement du Territoire et de l'Action Régionale) qu'il a créée en 1963 en tant que premier ministre. Cet organisme tente de freiner la croissance de la région parisienne et d'attirer les entreprises vers les régions qui perdent leur population pour rééquilibrer le territoire.

Un début de conflit entre le premier ministre et le président de la République

Le 16 septembre 1969, le premier ministre Jacques Chaban-Delmas prononce son discours de politique générale devant l'Assemblée Nationale. Ce discours a des répercussions considérables car le premier ministre prend tout le monde de court, le président inclus, en faisant un discours dont la teneur relève davantage d'un discours de président de la République. On assiste à une véritable inversion des rôles, Chaban-Delmas traçant les grandes lignes d'une nouvelle politique appelant de ses voeux l'émergence d'une « nouvelle société ». Pompidou, qui n'était pas au courant du contenu du discours, est furieux de l'attitude de son premier ministre. Sur les réformes annoncées, Pompidou est dans l'ensemble sur la même ligne. Mais ce qui le choque, c'est la manière dont elles sont présentées : le discours abstrait de « Nouvelle Société » est en décalage avec le pragmatisme affiché du président qui souhaite faire une politique très concrète, proche des préoccupations du peuple.

Définition de la « Nouvelle Société » de Jacques Chaban-Delmas

Dans son discours, Chaban-Delmas annonce l'avènement d'une nouvelle société : plus jeune, plus libérée, généreuse et prospère. Concrètement, en matière économique, il fait le constat d'une société sous-industrialisée et propose d'améliorer la compétitivité des entreprises en procédant à des privatisations. Il souhaite également moderniser l'Etat en diminuant le poids excessif de l'administration. Par ailleurs, il dénonce une société archaïque, trop figée et souhaite lancer une grande politique sociale fondée sur le développement de la formation professionnelle pour tous, pour que chacun puisse s'adapter au marché du travail. Enfin, il souhaite améliorer l'information du citoyen, en donnant davantage de liberté aux médias, ce qui passe par une plus grande indépendance de l'ORTF (Office de Radio-Télévision Française). Le premier ministre présente donc un programme de modernisation de la société, plutôt à gauche puisqu'il tient compte des critiques de mai 1968. Ce recentrage de la politique est dénoncé par les gaullistes : le groupe UDR (Union des Démocrates pour la République), gaulliste, considère ce discours de gauche comme une trahison.

Les résultats de cette politique

Dans le domaine économique et social, les résultats sont positifs comme en témoignent les bonnes cotes de popularité de Pompidou (67% de satisfaits en 1970) et de Chaban-Delmas. Pour mettre un terme à la logique d'affrontement de classes entre les ouvriers et les patrons, une politique contractuelle est instaurée : dans chaque entreprise, des négociations ont lieu entre syndicats et patrons pour résoudre les problèmes. Le gouvernement décide également une augmentation des bas-salaires, notamment du salaire minimum qui n'est plus calculé en fonction de l'inflation (faible augmentation chaque année) mais en fonction de la croissance ce qui entraîne une forte augmentation de ce qu'on appelle désormais le SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance). Mais ces succès relatifs s'accompagnent d'une politique sévère de maintien de l'ordre, la droite cherchant à éteindre les derniers foyers de contestation issus de mai 1968. A cet égard, le Parlement vote en juin 1970 la « loi anticasseurs » qui rend responsable les organisateurs de manifestation interdite et qui est souvent résumé d'une formule choc : « casseurs, payeurs ». Toutefois, cette politique de répression se fait dans le cadre de l'Etat de droit et dans le respect des libertés de chacun.