Le gouvernement de Jacques Chirac

Les années Giscard d'Estaing

Un président et une majorité différente

Françoise Giroud avec Chirac

Pour la première fois, en 1974, un président de la République n'appartient pas au camp gaulliste. Giscard d'Estaing était issu des Républicains Indépendants et non de l'UDR (Union pour la Défense de la République), le parti gaulliste majoritaire à l'Assemblée Nationale. Or, élu de justesse, il aurait du chercher à rétablir l'unité de la majorité de droite, divisée entre ces deux tendances. En réalité, il a fait exactement le contraire en ne ménageant pas les gaullistes et en menant une politique plutôt social-démocrate (centriste). D'ailleurs, dans son discours d'investiture en tant que président, il n'a fait ni allusion à Pompidou, ni à De Gaulle.

Le choix du premier ministre

Le 27 mai 1974, Giscard d'Estaing nomme au poste de premier ministre, un gaulliste de l'UDR, Jacques Chirac. Issu des Républicains Indépendants, Giscard est donc contraint à nommer un premier ministre de l'autre parti de droite, car l'UDR est majoritaire à l'Assemblée Nationale (les dernières élections législatives remontent à 1968). Autrement dit, ou Giscard nommait un gaulliste, ou il devait dissoudre l'Assemblée en espérant que la gauche ne l'emporte pas et que les Républicains Indépendants fassent un score plus élevé que les Gaullistes. En tout état de cause, le moins risqué était donc de nommer un premier ministre gaulliste, de préférence un gaulliste peu connu pour éviter qu'il ne lui fasse de l'ombre car les institutions de la Ve République ne pouvaient fonctionner que s'il y avait une parfaite attente entre le président et son premier ministre. Son choix s'est donc porté sur un gaulliste de second plan, Jacques Chirac, dont la fidélité à l'égard de Pompidou a été un argument décisif dans le choix de Giscard, celui-ci pensant que la loyauté était un trait caractéristique de Jacques Chirac. Agé de 48 ans, Giscard d'Estaing souhaitait également prendre un premier ministre plus jeune que lui. Il fallait donc un premier ministre très jeune et en même temps expérimenté. Jacques Chirac avait le profil type : âgé de 42 ans, il avait eu une carrière politique extrêmement rapide. Entré dans les cabinets ministériels dès 1967 notamment à l'Economie, il avait été ministre des relations avec le Parlement en 1971, puis ministre de l'agriculture en 1973, puis ministre de l'Intérieur en 1974. D'ailleurs, la nomination d'un fidèle de Pompidou était une manière de consoler les gaullistes, qui avaient perdu la présidence.

La composition du gouvernement

Ayant nommé un gaulliste au poste de premier ministre, on pouvait penser que Giscard d'Estaing s'appuierait essentiellement sur l'UDR pour gouverner. Or, la composition du gouvernement révèle une stratégie toute différente. Sur 16 ministres, 5 seulement étaient membres de l'UDR dont Jacques Chirac, 3 étaient des Républicains Indépendants dont deux proches de Giscard : Michel Poniatowski au ministère de l'intérieur et Michel d'Ornano à l'Industrie. On comptait également 4 ministres centristes, considérés souvent comme des anti-gaullistes, dont Jean Lecanuet, garde des Sceaux. Enfin, 4 ministres étaient sans étiquette politique, comme Simone Veil au ministère de la Santé. Par conséquent, ce gouvernement dirigé par un gaulliste était composé en grande majorité de non-gaulliste, voire d'anti-gaulliste. Cette volonté de renouvellement apparaît également dans la dénomination des ministères : un ministère de la « qualité de vie » était créé tout comme un secrétariat d'Etat à la « condition féminine » confiée à Françoise Giroud.

Crise économique : le plan Fourcade (1974)

En octobre 1973, en représailles contre les pays occidentaux qui soutenaient Israël lors de la guerre du Kippour entre l'Etat hébreux et les pays arabes, les représentants des pays arabes de l'OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) ont décidé de multiplier par 4 le prix du baril. Conséquences directes pour les pays développés : augmentation des coûts de production, ralentissement de la croissance économique et forte hausse du chômage. En 1973, c'est la fin des Trentes Glorieuses, période de forte croissance. Parallèlement à cette faible croissance, la France devait faire face à une forte hausse de l'inflation (hausse des prix). Lorsque Giscard arrive au pouvoir, en politique économique, le dilemme est le suivant : comment limiter la hausse des prix sans ralentir la croissance et faire augmenter le taux de chômage ? Sous Pompidou, en tant que ministre de l'économie, Giscard avait mené la politique de stop and go, c'est-à-dire l'alternance entre la relance de la consommation pour la croissance et le ralentissement de la consommation pour limiter la hausse des prix. Le plan Fourcade de 1974 était destiné à limiter l'inflation : limitation du crédit, hausse du taux d'intérêt d'épargne dans le but de limiter la consommation. Mais dans le même temps, le gouvernement de Jacques Chirac devait faire face à une hausse du chômage. Le plan Fourcade a donc rapidement laissé la place à une politique économique fondée sur le développement de l'investissement et la relance de la consommation. Toutes ces mesures n'ont pas permis de résoudre cette crise, et ce d'autant plus que le président Valéry Giscard d'Estaing et le gouvernement de Jacques Chirac cherchaient à éviter de prendre des mesures impopulaires en raison de la courte victoire de 1974 et des prochaines échéances électorales.