Les années De Gaulle
En mars 1962, les accords d'Evian ouvrent la voie à l'indépendance de l'Algérie. Les partisans d'une Algérie française se sentent alors trahis par De Gaulle, qui dans un premier temps, laissaient l'impression de vouloir maintenir la présence française. Dès lors, les activistes de l'OAS, Organisation Armée Secrète, organisation clandestine hostile à l'indépendance de l'Algérie, n'ont plus qu'un seul but : éliminer physiquement De Gaulle. Dans la nuit du 22 Août 1962, la DS de De Gaulle, au rond-point du Petit-Clamart, essuie des tirs de fusils-mitrailleurs. Cet événement, connu sous l'appellation « Attentat du Petit-Clamart » a un grand retentissement dans l'opinion. La plupart des auteurs de l'attentat sont arrêtés, leur chef, Jean-Marie Bastien-Thiry, est condamné à mort. Mais cet événement a aussi des répercussions politiques. Depuis longtemps, De Gaulle estimait que l'élection présidentielle au suffrage universel direct était une condition indispensable pour que le président de la République soit pleinement légitime. Sentant la fragilité de son pouvoir, De Gaulle souhaitait donner au président une légitimité incontestable, venant directement du peuple. Cette légitimité populaire ne pouvait passer que par une élection présidentielle au suffrage universel direct. L'attentat du Petit-Clamart a donc eu un effet accélérateur. En octobre 1962, un référendum entérine cette réforme. La 1ère élection a donc lieu en 1965.
De Gaulle est convaincu de l'emporter dès le premier tour. Symbole de la France libre pendant la guerre, artisan de la Ve République, il a un passé prestigieux et une stature d'homme d'Etat incontestables. En outre, l'attentat du Petit-Climart a suscité un véritable mouvement de sympathie en sa faveur. Toutes les conditions sont donc réunies pour une élection confortable de De Gaulle, dès le 1er tour.
De fait, il souhaite faire une campagne courte et ne se déclare qu'un mois avant le scrutin lors d'une allocution radiotélévisée au cours de laquelle il déclare que le régime a besoin de stabilité, d'où la nécessité de le reconduire à la tête de l'Etat. Ainsi, il menace une crise de régime en cas d'échec, déclarant « Que l'adhésion franche et massive des citoyens m'engage à rester en fonctions, l'avenir de la République nouvelle sera décidément assuré. Sinon personne ne peut douter qu'elle s'écroulera et que la France devra subir – mais cette fois sans recours possible – une confusion de l'Etat encore plus désastreuse qu'elle connut autrefois ». En se plaçant sur le registre « moi ou le chaos », De Gaulle croit avancer un argument décisif.
Mais face à De Gaulle, un homme politique ayant déjà participé à de nombreux ministères sous la IVe République est en train de percer dans l'opion, il s'agit de François Mitterrand.
Quand il décide de se présenter à l'élection présidentielle de 1965, il n'a le soutien que de quelques fidèles au sein d'une organisation appelée « Convention des institutions républicaines ». Mais contrairement à la majorité des hommes politiques de gauche sous la IV République, Mitterrand comprend très vite les conséquences du changement de régime : avec l'instauration d'un pouvoir présidentiel fort dans la Ve République, l'élection présidentielle devient centrale et implique une personnalisation du pouvoir. Dans cette logique, il se présente dans les médias comme le principal opposant au général De Gaulle. Ainsi, un an avant l'élection, en 1964, il publie un ouvrage intitulé Le coup d'Etat permanent dans lequel il s'en prend personnellement à la manière dont De Gaulle exerce son pouvoir. Alors qu'il est soutenu par un petit groupe, Mitterrand profite d'une situation politique qui lui ait favorable : puisqu'une grande partie de la gauche est hostile aux nouvelles institutions, les principaux dirigeants de gauche de la IV République refusent de se présenter à l'élection de 1965. C'est le cas de Gaston Deferre, mais aussi de Guy Mollet qui n'a pas pris conscience de l'importance de l'élection et refuse d'y engager pleinement la SFIO. La voie est donc ouverte pour une candidature, qu'il annonce le 9 septembre 1965.
Il s'agit de la 1ère campagne électorale moderne. Pour la première fois dans l'histoire de France, l'usage de la télévision permet à tous les candidats d'exprimer leurs convictions devant le plus grand nombre. Autre innovation, la pratique des sondages permet désormais de donner une image instantanée des intentions de vote des Français. Malgré ces nouveautés et l'intérêt des Français face à cette nouvelle élection, les jeux semblent pourtant plier. Un sondage IFOP réalisé en octobre 1965 montre que la réélection de De Gaulle est assurée (66% des intentions de vote, contre seulement 23% à François Mitterrand) si bien que celui-ci décida de ne pas utiliser le temps parole qui lui est attribué à la télévision. Mais De Gaulle sous-estime le pouvoir de ce nouveau média en politique. Puisque De Gaulle ne fait aucune émission, ses opposants s'emparent de cet outil pour diffuser leurs idées. La pertinence de leurs propos et l'image d'un renouvellement du personnel politique (Mitterrand affiche sa jeunesse, à 49 ans, face à un De Gaulle vieillissant de 75 ans) bouleversent la campagne. Et l'usage des sondages permet de suivre presque en temps réel les effets de la campagne électorale. Au fur et à mesure des sondages, Mitterrand voit sa côte remontée, passant de 23% des intentions de vote à 27% à la veille du scrutin quand celle de De Gaulle passe de 66% au début de la campange à 43% à la veille du scrutin.
Candidat unique de la gauche, Mitterrand parvient, contre toute attente, à mettre en ballotage De Gaulle, pourtant convaincu de son élection au 1er tour. De Gaulle obtient 43% des voix, et Mitterrand 32%. Pour De Gaulle, la déception est réelle. Il doit désormais faire campagne et accepte de se prêter à l'exercice télévisuel en donnant une série de 3 interviews dans lesquelles il justifie sa politique depuis 1958.
Finalement, De Gaulle l'emporte avec 54,5% des voix, grâce au report de voix du candidat centriste Jean Lecanuet éliminé au premier tour. Mais avec 45% des voix, Mitterrand réalise un score honorable qui lui permet de prendre date pour l'élection suivante.