Making of 12ème année : Macron, les gilets jaunes, l'ISF et la super cagnotte cachée de 900 millions d'euros

Politique.net · 14 jan. 2019 à 22:28 · Commentaires 0

Making of 12e année

Ah les gilets jaunes ! Violents, inconscients, ne comprenant pas les enjeux de la transition écologique. Si ce mouvement a pris forme, c'est bien évidemment parce que le gouvernement n'a pas suffisamment expliqué le sens des réformes. “Nous devons faire de la pédagogie collective”, martèle régulièrement Emmanuel Macron.

La pédagogie est d'autant plus nécessaire que ces “gilets jaunes” sont visiblement très sensibles aux fake news, ces fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux. La preuve, regardez tous ces titres de presse :

Gilets jaunes


Alors que c'est vrai qu'en terme d'intox, le pouvoir est irréprochable...

ISF : un cadeau à 4 milliards pour éviter une perte de 170 millions d'euros

Difficile d'appréhender ce mouvement complexe des gilets jaunes mais on pourra au moins s'accorder sur un élément : le désir commun d'une fiscalité plus juste et d'un pouvoir qui ne doit pas servir les plus riches. La suppression de l'impôt sur la fortune, un cadeau fiscal évalué à 4 milliards d'euros par an pour les plus riches, est l'une des multiples raisons de ce mouvement inédit.

Macron a toujours justifié cette suppression en expliquant qu'il y avait une fuite des plus fortunés à l'étranger à cause de l'ISF. Vrai, mais savez-vous de quel montant ? Lors d'un débat diffusé sur BFMTV, en octobre 2017, c'est-à-dire un an avant le début du mouvement des gilets jaunes, l'économiste Thomas Porcher, membre des économistes attérés (de gauche donc) avait donné des chiffres très précis. Ecoutez bien sa démonstration effectuée à partir des chiffres du ministère des finances : “Le nombre de gens qui payent l'ISF augmentent chaque année, il y en a 350 000 aujourd'hui (...) donc il n'y a pas une fuite comme si personne ne payait l'ISF. Les départs sont estimés à 800 personnes par an sur 350 000 qui le payent et il y en a 300 qui reviennent par an. Donc en net, vous avez grosso modo 500 personnes qui quittent la France et qui payaient l'ISF, donc ça fait 0.2% des contribuables de l'ISF qui partent seulement. Cette perte a été chiffrée, en terme de rentrée fiscale, elle est équivalente, sur 10 ans, à 170 millions d'euros de perte par an”.

Oui, vous avez bien lu : pour éviter de perdre 170 millions d'euros par an, l'Etat a renoncé à 4 milliards d'euros de recettes fiscales. Complètement absurde. A moins que le but réel était de faire un cadeau aux plus riches. Dire cela n'est pas une fake news, tout est sourcé : la vidéo est ici, le CV de Thomas Porcher est .

L'autre super cagnotte : les 900 millions d'euros aux cadres des grandes entreprises

L'injustice de la suppression de l'ISF est connue. Une autre super cagnotte à destination des plus riches est moins connue. C'est l'histoire de l'article 34 de la loi Macron et du cadeau à 900 millions d'euros pour les plus riches. Une histoire qu'on aime bien à Politique.net puisqu'on suit le sujet depuis maintenant quatre ans. On vous résume l'histoire de cette cagnotte (tous les détails sont ici) : le 28 janvier 2015, Le Canard enchaîné publiait un article expliquant que dans la loi Macron, une réforme de la fiscalité des actions gratuites allait aboutir à un cadeau à 900 millions d'euros pour les plus riches.

Ce n'est pas une fake news, l'article du Canard enchaîné est ici :

Loi Macron


On vous rembobine l'histoire, si vous êtes passés à côté : certaines entreprises, notamment des start up, distribuent des actions gratuites, qui constituent en quelque sorte une promesse sur l'avenir. Ainsi, le jour où l'entreprise réalise d'importants bénéfices et voit sa valeur monter en flèche, le salarié peut décider de vendre ses actions et réaliser une belle plus-value.

D'un point de vue fiscal, jusqu'en 2015, ces actions gratuites étaient incluses dans le calcul de l'impôt sur le revenu. Sauf que l'article 34 de la loi Macron a changé les règles de calcul en prévoyant un abattement de 50% avant imposition sur la valeur de ces actions. Pourquoi ? Officiellement, l'allègement de la fiscalité sur les actions gratuites était censé favoriser le développement des start up qui ont recours à ce dispositif. Mais pour Le Canard enchaîné, ce sont surtout les cadres des entreprises du CAC 40 qui devaient remporter le jackpot. "Les conseils d'administration des entreprises du CAC 40 ont voté, en 2014, l'attribution d'actions gratuites pour un montant de 6,4 milliards. Et, dans l'immense majorité des cas, à leurs cadres dirigeants les mieux payés", précisait Le Canard enchaîné. Un beau cadeau. Car selon l'hebdomadaire, cet allègement fiscal, estimé à 200 millions d'euros par Macron, était évalué à 900 millions d'euros par certains cabinets privés.

Où sont passés ces 900 millions d'euros ?

En 2015, l'article du Canard enchaîné était passé complètement inaperçu. A notre connaissance, seul le site de France info avait relayé l'information de l'hebdomadaire satirique sur les conséquences de l'allègement de la fiscalité des actions gratuites (sans mentionner le coût de 900 millions d'euros pour les finances publiques). L'année dernière, nous avions découvert, par le biais de plusieurs articles des Echos (l'info est donc bien sourcée) que cette fiscalité avait encore été modifiée. Pour résumer, jusqu'à 300 000 euros, le contribuable peut toujours déduire 50% de la somme du calcul de ces impôts. Un cadeau moindre que la super cagnotte de 900 millions d'euros mais que Les Echos n'avaient pas chiffré.

Et depuis l'an dernier ? On n'a retrouvé qu'une seule trace de ce sujet dans la presse : au détour d'un paragraphe d'un article du Monde, daté du 24 octobre 2018, et qui porte sur ces actions gratuites, on apprend qu'en “neuf ans, la part des actions dans la rémunération totale des PDG du CAC est passée de 5 % à 36 %, au détriment, en particulier, du salaire fixe. Au sein du SBF 120, plus de six dirigeants sur dix bénéficient désormais d'actions gratuites”.

En clair, les PDG se rémunèrent de plus en plus en actions gratuites. Des actions gratuites dont Macron a allégé la fiscalité en 2015. Si ça, ce n'est pas un cadeau masqué aux plus riches...

*** Politique.net a 12 ans

Lancé le 1er janvier 2007, Politique.net fête ses 12 ans. Depuis le début, tous nos articles sont sourcés : auteur, titre de l'article, nom et date de la publication figurent au bas de chacun de nos contenus. L'année 2018 a été marquée par un ralentissement dans le rythme de nos publications, mais puisque c'est la période des voeux, nous allons en formuler un : relancer cette revue de presse en 2019. Et pour ne rien manquer de cette relance, l'inscription à la newsletter hebdo est ici.

Bonne année 2019 !



*** Sources
- "Le cadeau de Macron aux riches ennemis de Hollande", Le Canard enchaîné, 28.01.2015
- "Thomas Porcher explique pourquoi supprimer l'ISF ne favorisera pas l'investissement", YouTube, 26.10.2017
- "Les salaires des grands patrons français se remettent à flamber", Le Monde, 24.10.2018



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