Luc Ferry sèche la fac mais reste philosophe

Revue de presse · 9 juin 2011 à 22:13

Billets d'absences de Luc Ferry

Luc Ferry n'a pas fini de rendre des comptes. Le 30 mai dernier, sur le plateau du Grand Journal de Canal+, il a dénoncé une orgie pédophile d'un ministre qui aurait eu lieu au Maroc il y a une dizaine d'années. Depuis il est vilipendé aussi bien par la sphère médiatique que politique et a été auditionné par le Parquet qui a ouvert une enquête préliminaire. Mais ses ennuis ne s'arrêtent pas là. Le Canard enchaîné a en effet révélé que l'ex-ministre séchait la fac. Depuis septembre 2010, Ferry est censé donner des cours à l'Université de Paris-Diderot (Paris VII), sa mise en disponibilité ayant expiré. Mais Luc Ferry ne s'est jamais présenté, tout en continuant à percevoir son salaire d'enseignant.


Simple erreur administrative ou sentiment d'impunité d'un homme de pouvoir ? Matignon l'a convoqué mercredi 8 juin pour tirer au clair la situation de l'ancien ministre.

Ferry absent de la fac, sans justificatif

Selon Le Canard enchaîné, Luc Ferry était attendu par le président de l'Université Paris-Diderot le mercredi 8 juin pour régler sa situation administrative. En tant que professeur de philosophie, Ferry est censé y délivrer des cours depuis la rentrée 2010, mais il ne s'y est jamais rendu. L'hebdomadaire affirme que « s'il ne se présente pas, l'université est bien décidée à lui réclamer le remboursement de son salaire — 4 499 euros net par mois — pour toute l'année scolaire ». Avant cette convocation, Luc Ferry aurait été rappelé à l'ordre à deux reprises : l'Université lui aurait fait parvenir un courrier le 14 octobre et un autre le 15 novembre, pour lui rappeler ses obligations : 192 heures d'enseignement annuelles.
Mais dans Le Monde, Luc Ferry dément cette information assurant n'avoir reçu aucune convocation de l'université, tout en reconnaissant au Canard enchaîné qu'il n'a pas donné ses cours.
Le lendemain de ses révélations, Ferry a été convoqué à Matignon pour s'expliquer.

Une mise en disponibilité obsolète

Comment expliquer cette situation ? Le Monde indique que « sa mise à disposition auprès du Conseil d'analyse de la société (CAS) qu'il préside est obsolète depuis septembre 2010 ». Il est donc tenu à la fois de présider le CAS et assurer son service d'enseignant-chercheur à la fac. Mais les habitudes ont eu raison de lui : Ferry n'a pas donné le moindre cours depuis 1996 grâce à une décharge de service d'enseignement, sous forme d'arrêté ministériel. Entre 1996 et 2002, il fut dispensé d'enseignement puisqu'il présidait le conseil national des programmes du ministère de l'éducation, entre 2002 et 2004, il était ministre de l'Education nationale, depuis 2004, il préside le CAS.

La faute à l'autonomie des universités ?

Tant que les universités dépendaient encore de la Fonction publique, ces décharges ne posaient pas de problème. L'université versait les rémunérations à Ferry sans lui demander des comptes. Mais depuis la loi sur l'autonomie des universités, le système a changé. Le Monde rapporte les propos de Vincent Berger, président de l'université Paris-Diderot, sur les conséquences de cette loi : « depuis que notre université a accédé à l'autonomie, nous sommes responsables et comptables de nos emplois et nous ne pouvons pas accorder de décharge d'enseignement sans raison ou sans convention de détachement de personnel. » Pour Luc Ferry, cette situation relève d'un simple dysfonctionnement qui devrait se régler par la signature d'une convention entre le CAS et l'université.

Un arrangement à l'amiable ?

Dans le cas où ce fameux dysfonctionnement ne se règlerait pas, Luc Ferry devra donc assurer ses cours. Mais le Canard enchaîné dévoile que la fac lui aurait proposé un arrangement puisque les étudiants seront très prochainement en vacances : assurer 24 heures de cours au lieu des 192 prévues. Cette éventualité, selon Le Monde, n'inquiète pas le philosophe : « Je ferai une leçon façon Collège de France. » Mais suite à la convocation à Matignon, Ferry a été réinterrogé par le quotidien. Changement de ligne de défense : « Je n'ai pas à faire cours car je suis détaché de service, a déclaré le philosophe. Je l'aurais fait volontiers, mais le président de l'université m'a lui-même dit 'vous savez monsieur le ministre, on ne souhaite pas tellement que vous veniez faire cours, car quand vous venez ça fait du remue-ménage.' »

Avec tous ces arrangements, pourquoi s'en faire ?


Par Anne-Sophie Demonchy



*** Sources
- Philippe Jacqué, « Avec la loi sur l'autonomie, Luc Ferry ne peut plus sécher ses cours », Le Monde, 7 juin 2011.
- Isabelle Barré, «Un emploi fictif pour le moraliste Luc Ferry», Le Canard enchaîné n°4728, mercredi 8 juin 2011.
- « Convoqué à Matignon, Luc Ferry s'explique », le JDD, 8 juin 2011.
- « Luc Ferry reçu à Matignon pour évoquer sa situation à l'université Paris-VII », Le Monde.fr, 8 juin 2011.

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