Du gras, du sucre et du Nutella : l'Europe s'attaque aux étiquettes

Le Canard enchaîné · 4 juil. 2010 à 23:48

Dans l'assiette des politiques : du Nutella

Nutella, le régal des petits comme des grands... Des noisettes, du bon cacao et du lait écrémé, telle serait la recette de cette pâte à tartiner légendaire. Un délice, sain et excellent ! Les plus gourmands y croiraient presque. Mais le 16 juin, une terrible rumeur s'est propagée sur Internet, annonçant que le Parlement européen comptait coller sur le pot l'étiquette : « Attention danger, favorise l'obésité ». Enfin, ça c'est ce que nous avons cru dans un premier temps. Mais que l'on se rassure : Bruxelles n'a pas de telles velléités. Qu'en est-il vraiment ?

Pour lutter contre l'obésité galopante, l'Union européenne souhaite définir des normes nutritionnelles. Elle a donc soumis un texte au Conseil européen visant à interdire la publicité des produits dépassant les 10% de sucre, 4% de gras et 2 mg de sel. En prime, l'étiquette de ces produits gras et sucrés devra faire apparaître la fameuse mention « Produit dangereux, favorisant l'obésité ». Le Nutella, « composé de plus de 60 % de sucre et d'huile de palme » serait naturellement visé par cette règlementation.


Aussitôt, la résistance s'organise : l'Europe ne doit pas toucher au bon Nutella, riche en saveur et surtout en souvenirs ! En Italie, pays du Nutella, un député a pris les choses en main en fondant un comité de soutien : « Touche pas à mon Nutella ». Sur Facebook, la page officielle gagne chaque jour de nouveaux fans et compte plus de 1,3 millions d'adhérents. Un groupe s'est également créé pour soutenir notre friandise menacée : « Touche pas à mon pot de Nutella ! C'est perso ces trucs là ! C'est intime ! ». Et ce n'est pas le vice PDG de Ferrero, Paolo Fulci, qui dira le contraire : ce texte va « influencer les habitudes et même les aspects les plus intimes de la sphère personnelle de chacun, comme les plaisirs simples et sains qui traversent les générations ». Quand on vous dit que le Nutella, c'est intime...


Pourtant, dès le 19 juin, alors que les groupes se sont organisés et que tout le monde a craint pour la survie du Nutella, le Parlement a publié un démenti expliquant que l'Europe ne cherche pas « à interdire la commercialisation des produits Nutella ». Le projet adopté en première lecture le 16 juin prévoit simplement que les étiquettes des produits alimentaires devront préciser le nombre de calories ainsi que la teneur en gras saturés, glucides, et sel. Toutefois ce n'est pas une nouveauté puisque la plupart des produits ont déjà cette étiquette, et Nutella aussi. Mais le Parlement estime que ces étiquettes sont trop complexes pour le consommateur. Désormais, il faudra indiquer sur chaque produit la teneur en gras et sucres et non plus en lipides et en glucides. Et pour rassurer les fans de friandises riches en graisses saturées et en sucres, le Parlement précise encore qu' « il n'y a pas de proposition visant à imposer, sur les étiquettes de denrées alimentaires, des avertissements relatifs à la santé, ou à interdire la commercialisation ou la vente de produits, quels qu'ils soient ».

Enfin, cette nouvelle réglementation devrait faire l'objet d'une deuxième lecture avant d'être votée en 2011, et appliquée par les industriels dans les trois ans qui suivront. Continuons à fermer les yeux sur ces étiquettes trop compliquées et savourons goulument notre Nutella. Et Ferrero, nullement cité dans le texte parlementaire, pourra, grâce à ce coup médiatique, continuer de s'engraisser financièrement.


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Nouvelle chronique sur Politique.net : Anne-Sophie se penche désormais toutes les semaines dans l'assiette des politiques !

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