Le Canard enchaîné · 23 sep. 2009 à 19:08
La semaine dernière, le Canard enchaîné révélait que France 2 avait filmé Jean-Louis Borloo à moitié ivre à la sortie de l'Elysée. La scène se serait déroulée le 3 septembre dernier, devant plusieurs journalistes, le jour où Cécile Duflot était accueillie à l'Elysée pour des discussions sur la taxe carbone.
L'information avait été reprise par l'ensemble de la presse et aussitôt démentie par Arlette Chabot et quelques journalistes présents sur place. Le site Arrêt Sur Images avait retrouvé des images tournées le jour-même et diffusées sur France 2 : on voit Borloo marcher dans la cour de l'Elysée et s'exprimer à peu près normalement. Invitée de l'émission « Arrêt sur Images » sur le net, Cécile Duflot affirme ne pas avoir vu Borloo ivre tout en restant relativement floue dans sa réponse.
Fin de l'histoire ? Pas tout à fait. Lorsque le Canard enchaîné publie des informations qui s'avèrent par la suite erronée, l'hebdomadaire trouve toujours deux sorties : soit un rectificatif est publié dans le journal et c'est "Pan sur le bec", soit le Canard enterre le soi-disant scoop et n'en parle plus dans ses colonnes comme ce fut le cas pour l'affaire des avions civiles utilisées par Sarkozy et Villepin pour partir en vacances (démenti non publié dans le Canard). Sauf que cette fois-ci, contrairement à ce que de nombreux journaux ont affirmé, le Canard est sûr de son coup puisqu'il vient d'en remettre une couche sur cette affaire.
Selon le Canard, Borloo était ivre le 3 septembre dernier, comme il le racontait dans son édition du 16 septembre :
"Sourires gênés dans la cour de l'Elysée : à voir son pas mal assuré sur les escaliers du perron, Borloo a manifestement forcé sur l'apéro et a quelques difficultés à viser juste. La confirmation ne tarde pas : le pauvre ministre s'avance franco vers la caméra de France 2 et ne voit pas le micro placé juste devant... bing ! Trop tard. Défense de rire, on prend le même et on recommence. L'interview peut débuter. Enfin, presque. Incapable d'aligner trois phrases, Borloo bredouille quelques mots incompréhensibles puis coupe court".
Selon l'hebdomadaire, la rédaction de France 2 décide de ne pas diffuser ses images et Arlette Chabot aurait demandé aux services des archives de les détruire, pour éviter qu'elles ne se retrouvent sur le net. La directrice de l'information de France 2 a aussitôt démenti l'information en affirmant que Borloo n'était pas ivre et que les images ont bien été conservées. D'autres témoins affirment que le ministre de l'écologie était dans son état normal. Pan sur le bec ?
Dans son édition du 23 septembre, le Canard enchaîné en remet une couche et s'en prend à ses confrères qui ont trop rapidement affirmé que l'hebdomadaire s'était trompé. La vidéo, tronquée de la scène de Borloo se cognant contre le micro, a finalement atterri au Canard qui s'est fait un plaisir de publier le verbatim des déclarations du ministre ce jour-là :
"On est dans le cadre, bien, d'un débat... qui se consolide, démocratiquement, avec euh... les... les différents partenaires euh... des sujets... progressivité, compensation... Est-ce que c'est un bonus-malus ? Est-ce que... voilà. Et tout ceci chemine... euh... euh... Le Président devrait arbitrer dans les... les jours qui viennent, peut-être enfin de semaine prochaine... sur l'ensemble de ce dossier... de... ça... ce... ça... ça débat... euh, c'est un thème qui débat de ses évolutions".
Avec ce verbatim, on comprend un peu mieux le degré de lucidité de Jean-Louis Borloo.
Au-delà du démenti attendu d'Arlette Chabot (qui pouvait difficilement faire autrement), une vidéo du ministre tournée ce jour-là a été retrouvée. On voit Borloo marcher en direction du palais de l'Elysée, puis faire la déclaration suivante : "Le Président devrait arbitrer dans les... les jours qui viennent, peut-être enfin de semaine prochaine... sur l'ensemble de ce dossier". C'est la phrase la plus compréhensible de l'intervention de Borloo. Le montage est par ailleurs trompeur : on voit Borloo marcher puis faire sa déclaration. En réalité, selon le Canard enchaîné, les images de Borloo en train de marcher ont été prises deux heures avant et non à la sortie de l'Elysée.
Pour enfoncer le clou, le Canard enchaîné donne davantage d'informations sur les sources qui ont alerté l'hebdomadaire sur l'existence et la censure de cette vidéo :
1. "Des images ont été effacées du serveur de France Télévision, comme l'ont affirmé des techniciens, en placardant le 17 septembre, dans leurs locaux une affichette dénonçant la censure".
2. "Pas moins de dix témoins, au sein de France Télévisions, ont confirmé la prestation éblouissante du ministre de l'Environnement et la dissimulation des images".
Enfin, l'hebdomadaire relève les contradictions d'Arlette Chabot. Dans un premier temps, elle a affirmé au Canard que les images n'avaient été effacées. Puis, une fois l'info sortie, elle a déclaré sur Europe 1 "que les images étaient souvent effacées pour cause d'encombrement".
Cette histoire relève de l'anecdote mais reflète assez bien le fonctionnement d'un système médiatique imparfait... une vidéo censurée, des médias qui s'emparent de l'affaire, un démenti officiel repris par la presse qui s'en prend par la suite au média d'origine qui a sorti la "fausse affaire".
L'histoire rebondit une semaine après mais les médias sont déjà passés à autre chose.
Quelques heures après la publication de ce nouveau rebondissement, seuls trois sites internet ont repris le verbatim de la vidéo : Arrêt Sur Images, Ozap et un blog consacré à la télévision.
A la décharge de Borloo, ce n'est pas le seul à boire...
- Vidéo : le fou rire de députés (ivres ?) lors des débats Hadopi 2
- Vidéo : Nicolas Sarkozy était-il ivre ou essoufflé au G8 ?
- Vidéo : quand Rachida Dati titube dans les jardins de l'Elysée
Même si sur le net, Borloo n'est pas vraiment épargné...
- Vidéo : sur France Info, Borloo oublie les caméras et renifle le micro
- Vidéo : Quand Rachida Dati parle des pieds de Jean-Louis Borloo
Heureusement, de temps en temps, il fait de la politique...
- Plan Borloo 2003 pour la banlieue : seulement 8% des crédits prévus ont été débloqués
- Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il recyclé Jean-Louis Borloo au ministère de l'écologie ?
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