Logement : quand le plan de relance sert de prétexte pour supprimer les garde-fous anti-corruption

breve · 27 jan. 2009 à 19:47

Logement, plan de relance

Depuis début janvier, Nicolas Sarkozy a prononcé plusieurs discours importants à l'occasion des voeux, lancé plusieurs chantiers notamment dans le domaine de la justice (suppression du juge d'instruction), de la presse (versement d'une aide de 600 millions d'euros à ce secteur sinistré), de la culture (accès gratuit pour les moins de 25 ans). Il a réaffirmé la détermination du gouvernement à lutter contre la crise grâce au "plan de relance de 26 milliards d'euros" dont Patrick Devedjian est chargé de suivre la mise en oeuvre. Entre-temps, Nicolas Sarkozy a remanié son gouvernement, choisi les têtes de liste UMP pour les Européennes 2009 et désigné Xavier Bertrand comme secrétaire général de l'UMP.


Autant dire que l'annonce du plan de relance 2009 est à des années-lumière en chronologie Sarkozy. Vu la complexité et la multitude des mesures annoncées jeudi 4 décembre 2008, l'opinion n'a pas vraiment eu le temps d'intégrer exactement ce qu'était ce plan de relance. Seul le chiffre de 26 milliards d'euros, suffisamment frappant, fait foi. Nous avons donc décidé de reprendre quelques mesures de ce plan de relance pour comprendre notamment la part de bluff de cette réponse à la crise.

Mini-série 4/5 : Le gouvernement assouplit considérablement le code des marchés publics

Plan de relance

Construction de logement : les principales mesures du plan de relance

Sur les 26 milliards d'euros du plan de relance, 1.8 milliard d'euros est consacré au secteur du logement. Ce budget est réparti en trois postes de dépenses : rénovation urbaine, construction de 70 000 nouveaux logements, multiplication par deux des prêts à taux zéro (pour faciliter l'accès à la propriété).
Mais dans la série de mesures incluses dans le plan de relance figure une modification du code des marchés publics qui n'a pas échappé à Mediapart : "De nombreux règlements et procédures du code des marchés publics vont être allégés. Le seuil sous lequel un marché public pourra être passé de gré à gré est relevé de 4.000 à 20.000 euros (...) La procédure d'appel d'offres pour les marchés de travaux devient obligatoire non plus à partir de 206.000 euros mais de 5,15 millions d'euros, seuil européen. La commission d'appel d'offres pour les marchés de l'Etat est supprimée". En clair, pour faciliter la construction de logements et la signature de contrats de construction, le gouvernement a assoupli le code des marchés publics.

A quoi sert le code des marchés publics ?

Dans les années 1990, les députés ont élaboré un code des marchés publics pour réglementer un secteur propice à la corruption. Ainsi, lorsqu'un maire veut construire une école, il doit d'abord organiser un appel d'offres, c'est-à-dire établir un cahier des charges résumant les besoins, étudier les dossiers de plusieurs entreprises et choisir le meilleur dossier, c'est-à-dire l'entreprise qui offre les meilleurs services en rapport qualité/prix. Toutes ces règles sont édictées dans le "code des marchés publics" qui a pour principal objectif d'éviter la corruption des élus locaux. Durant les années 1990, plusieurs affaires ont éclaté comme l'affaire des marchés truqués des lycées d'Île-de-France. Des sociétés obtenaient la construction d'infrastructures en échange de quoi, elles finançaient des partis politiques. Pour éviter tout favoritisme entre entreprises, les responsables politiques ont donc mis au point le code des marchés publics.

Quand le gouvernement supprime les règles censées éviter la corruption des élus

Le texte du plan de relance, défendu par Patrick Devedjian, supprime en grande partie tous les garde-fous du code des marchés publics. Par exemple, alors qu'il fallait lancer une procédure d'appel d'offres (appel à candidature de plusieurs entreprises) pour des travaux d'un montant dépassant les 200 000 euros, le plan de relance prévoit de faire passer ce plafond à 5,15 millions d'euros. Autrement dit, en dessous de 5 millions d'euros de travaux, les élus n'auront plus l'obligation de faire un appel d'offres et pourront choisir directement une entreprise. C'est ce type de démarche que le code des marchés publics avait proscrit pour éviter tout risque de corruption (choix d'une entreprise en échange de financement occulte d'un parti). En outre, le code des marchés publics favorisait les PME par rapport aux grands groupes du bâtiment. En rehaussant les plafonds, le gouvernement fait un cadeau aux grands groupes qui pourront plus facilement octroyer des rabais lors de la signature de contrats (non encadrés par les procédures contraignantes des appels d'offre).



Sous couvert d'une simplification administrative censée faciliter les constructions, le gouvernement revient donc discrètement sur tous les garde-fous du code des marchés publics qui avaient permis de limiter la corruption des élus. Certes, on n'imagine pas le gouvernement décider implicitement de faciliter la corruption. Mais de toute évidence, cet assouplissement du code des marchés publics répond à une demande des grands groupes de BTP et pourrait indirectement faciliter les combines.

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