Automobile : le dopage artificiel de la prime à la casse

breve · 29 déc. 2008 à 20:02

Prime à la casse

De retour du Brésil, Nicolas Sarkozy doit présenter ses voeux aux Français lors d'une allocution télévisée regardée en moyenne par plus de 12 millions de téléspectateurs. Cette année, il devrait insister sur la suppression de la publicité sur France Télévisions, mesure qui, à ses yeux, a des conséquences immédiates sur le quotidien des Français. Il va également lister les principales réformes de 2009, notamment en insistant sur celles qui ont été ajournées ces dernières semaines : réforme du lycée, travail le dimanche, refonte de la formation professionnelle, changement du cadre territorial (avec possible fusion départements/régions). 2009 s'annonce comme une année difficile en raison de la crise économique, le président de la République va donc chercher à afficher son volontarisme pour montrer qu'il n'y a pas de fatalité en rappelant qu'un plan de relance a été décidé il y a un mois... pour un montant de 26 milliards d'euros.

Vu la complexité et la multitude des mesures annoncées jeudi 4 décembre 2008, l'opinion n'a pas vraiment eu le temps d'intégrer exactement ce qu'était ce plan de relance. Seul le chiffre de 26 milliards d'euros, suffisamment frappant, fait foi. Nous avons donc décidé de reprendre quelques mesures de ce plan de relance pour comprendre notamment la part de bluff de ce plan.


Mini-série 3/5 : La prime à la casse ou comment décaler la crise dans le temps

Plan de relance



Sur les 26 milliards d'euros du plan de relance, 1.3 milliard d'euros est consacré au secteur automobile. "Une prime à la casse de 1.000 euros sera accordée pour tout achat de véhicule neuf émettant moins de 160 grammes de CO2. Une ligne de refinancement de 1 milliard d'euros sera accordée aux organismes de crédit automobile, qui rencontrent des difficultés à se financer sur le marché. Un fonds de 300 millions d'euros - alimenté par l'Etat à hauteur de 100 millions et le reste par les constructeurs - sera créé pour aider à la restructuration de la filière automobile et des sous-traitants. Ce dispositif vient en complément des aides déjà décidées en faveur de la voiture électrique". (Mediapart)

Le retour de la "Juppette"

La prime à la casse était la mesure la plus attendue par les constructeurs. Elle touche directement les Français puisque tous ceux qui se débarrasseront d'une voiture de plus de dix ans et qui en achèteront une n'émettant pas plus de 160 grammes de CO2 pourront prétendre à une prime de 1000 euros. La mesure avait déjà été expérimentée en 1994, puis prolongée en 1996. A l'époque, cette prime avait été surnommée la "balladurette" et la "juppette" du nom des deux Premiers ministres qui l'avaient proposée. Cette prime à la casse, d'un montant de 5000 à 7000 francs à l'époque, avait permis de vendre plus de 2 millions de véhicules neufs.

Un dopage artificiel des ventes

Toutefois, ce type de mesure a des effets pervers. Tout d'abord, c'est extrêmement coûteux. La balladurette et la Juppette avaient coûté près de 8,2 milliards de francs (1,25 milliard d'euros) à l'Etat. Mais surtout, dès que la prime a été supprimée, le contrecoup a été terrible pour les constructeurs automobiles. En 1997, le marché avait chuté de plus de 15% et il avait fallu plus de 18 mois pour que les ventes retrouvent un rythme normal. Autrement dit, la prime à la casse constitue un dopage artificiel des ventes de voitures qui ne fait que repousser la crise du secteur jusqu'au jour où l'Etat décide de mettre fin à la prime.

Une enveloppe budgétaire limitée à 200 000 voitures

En outre, pour éviter un dérapage des finances publiques avec cette mesure, le gouvernement a prévu une enveloppe budgétaire de 200 millions d'euros pour financer la prime à la casse, ce qui correspond à 200 000 voitures, soit 2% des véhicules de plus de dix ans circulant en France. Selon un spécialiste du secteur interrogé par Eco89, l'impact risque donc d'être limité puisqu'au moins un quart de ces véhicules aurait de toute façon été achetée.


Limitée, coûteuse, la prime à la casse est une solution à très court terme qui promet des lendemains encore plus difficiles aux constructeurs automobiles lorsque la prime sera supprimée. Une petite bombe à retardement...

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