Europe : le projet de Sarkozy pour sortir de la crise institutionnelle

Zapping radio · 30 mai 2007 à 12:33

L'Europe de Sarkozy

Depuis l'échec du référendum européen en 2005, la construction européenne est en panne. Dans sa chronique sur France Culture, Olivier Duhamel est revenu sur les raisons de cette crise institutionnelle et les solutions proposées par Nicolas Sarkozy.

L'activisme du nouveau président de la République

Dès le soir de sa prise de fonction, Nicolas Sarkozy s'est rendu à Berlin pour rencontrer la chancelière Angela Merkel pour rappeler l'importance du couple franco-allemand dans la construction européenne et pour évoquer les réformes nécessaires pour sortir du blocage institutionnel. Il a également rencontré le président de la commission européenne pour défendre son projet de mini-traité européen.
Cet activisme européen est aussi perceptible dans les symboles puisque, fait inédit, la photo officielle du chef de l'Etat comprend le drapeau européen à côté du drapeau français. Tous ces gestes ont pour but de signifier le retour de la France sur la scène européenne après deux ans de mise à l'écart au lendemain de l'échec du référendum sur la constitution européenne en 2005.

Le problème du vote à 27 pays

A vingt-sept, l'Europe ne peut pas fonctionner de la même manière qu'à quinze pays. Il faut revoir les modalités de vote. Par exemple, sur beaucoup de sujets, les pays doivent voter à l'unanimité pour prendre une décision. Si l'unanimité était difficile à quinze, elle devient impossible à vingt-sept. Or, un petit pays ne doit pas pouvoir bloquer une décision avec son droit de veto. Il faut donc supprimer ce droit de veto, ce qui a pour conséquence inévitable une perte de souveraineté, un pays s'opposant à une décision serait contraint de l'appliquer si les autres pays y sont majoritairement favorables.

L'instabilité d'une présidence tournante

Le conseil européen qui fixe les grandes orientations de l'Union Européenne est présidé par un pays différent tous les 6 mois. Ce système de présidence tournante devait permettre à tous les pays de participer à la direction de l'Europe. Mais avec 27 pays, une présidence tournante crée une trop grande instabilité. Il faudrait 14 ans pour qu'un pays retrouve la tête de l'Europe. Inconcevable pour les pays fondateurs comme la France ou l'Allemagne.

L'impossible politique étrangère commune

L'Europe a réussi à mettre en place une politique économique commune. Mais la politique étrangère relève encore de chaque pays ce qui affaiblit d'autant la puissance de l'Europe sur la scène internationale. Ainsi, lors de la guerre en Irak, des "vieux pays" comme la France et l'Allemagne se sont opposés à l'intervention armée des Etats-Unis alors que le Royaume Uni et la Pologne ont soutenu Georges Bush. Ces divisions ont montré que l'Europe restait une force de seconde zone dans le monde dès qu'il s'agit de politique internationale. Pour tenter de peser davantage dans les choix du monde, les pays de l'UE doivent s'entendre sur une politique commune.

Les solutions inenvisageables : statu quo et nouvelle constitution

Ne rien faire aboutit à une paralysie de l'Europe. Depuis deux ans et l'échec de la constitution européenne, l'UE est en panne, les décisions importantes sont différées. Le système de vote actuel empêche tout projet consensuel sur une politique d'immigration commune ou une politique de coopération judiciaire approfondie par exemple.
A l'inverse, le vote d'une nouvelle constitution est impossible. Tout d'abord parce que les Français et les Hollandais l'ont déjà rejeté et ce vote doit être respecté. Ensuite, parce qu'un nouvel échec d'une constitution tuerait définitivement l'Europe. La construction européenne serait définitivement stoppée.

La proposition de Sarkozy d'un traité simplifié

Entre le statu quo et une nouvelle constitution, Nicolas Sarkozy a avancé l'idée d'un mini-traité ou d'un traité simplifié qui permettrait de débloquer la crise institutionnelle en Europe. En réalité, tous les Etats européens savent que c'est la seule solution raisonnable pour sortir de la crise. Mais Nicolas Sarkozy a réussi le tour de force de reprendre à son compte cette proposition en la médiatisant. Il a présenté cette solution comme sa trouvaille alors qu'elle était déjà envisagée par tous.
En tant que candidat, Nicolas Sarkozy a parlé de "mini-traité" pour justifier le fait que le texte serait ratifié par le parlement et qu'il n'y aurait pas de nouveau référendum. Mais, en tant que président, il parle désormais de "traité simplifié", le terme de "mini" étant trop péjoratif, notamment pour les 18 pays qui avaient déjà ratifié la constitution européenne.

Le contenu du traité simplifié

Si le principe d'une réforme des institutions est admis par tous les pays membres, le contenu de la réforme diffère selon les sensibilités. Ainsi, les plus eurosceptiques ne souhaitent qu'un simple toilettage des institutions : une présidence plus stable et un vote moins compliqué sur certains sujets. Quant aux autres, ceux qui ont accepté la constitution européenne, ils veulent aller beaucoup plus loin et conserver toutes les avancées de la constitution européenne, notamment la charte des droits fondamentaux.

Vers une simple modification du traité de Nice ?

Face aux difficultés d'élaboration d'un traité simplifié, Nicolas Sarkozy n'envisagerait plus qu'une simple modification du traité déjà en vigueur, le traité de Nice. Double avantage : cela permettrait à la fois de sortir de la crise tout en évitant de trop longues négociations sur l'élaboration d'un nouveau traité, qu'il soit mini ou simplifié.
L'objectif de ces modifications serait de créer une présidence fixe du conseil européen, le poste d'un ministre des affaires étrangères et un vote à la majorité sur certains sujets pour limiter le droit de veto. Ces modifications devraient être discutées au prochain conseil européen du 21 juin 2007.

*** Liens

- L'Europe a 50 ans : retour sur la signature du traité de Rome en 1957
- Europe et 8 mai

Commentaires