Les "jeunes" : analyse d'un terme utilisé par la droite et la gauche

Questions d'actualité · 29 mar. 2007 à 21:32

Images de Mai 1968 et de mars 2006

Dans les médias, on parle souvent des "jeunes" de banlieue, ou des "jeunes" issus de l'immigration. Mais qui désigne-t-on sous cette appellation ?
La droite a souvent eu des relations conflictuelles avec la jeunesse. Pour tenter de lever des malentendus, certains hommes politiques de droite ont dénoncé l'amalgame entre "jeunes" et "délinquants". La gauche entretient de meilleures relations avec les jeunes. Elle associe souvent ce terme aux difficultés d'accès à l'emploi, au logement et promet aux jeunes une meilleure formation et des aides diverses.
Selon la gauche et la droite, on n'emploie donc pas le terme de la même manière. D'ailleurs, y'a-t-il une jeunesse ou des jeunesses ? Quelles sont les caractéristiques des "jeunes" ? Retour sur un groupe et un terme utilisé par la gauche et la droite.

Les "jeunes" des Trente Glorieuses et des années 1980

La croissance économique qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale a permis à la génération du Baby-boom d'accéder à une meilleure condition sociale que leur parent. Les jeunes des années 1960 et 1970 ont donc pleinement bénéficié de la croissance.
A partir du choc pétrolier de 1973, la conjoncture économique se dégrade, le chômage augmente, et les jeunes deviennent les premières victimes de cette crise. De là, l'expression "jeunes" a désigné un groupe social ayant des difficultés à se loger, à accéder à l'emploi. Parallèlement à cela, il y a eu une concentration progressive à partir des années 1970 des populations immigrées dans les quartiers aux périphéries des villes. Au terme de "jeunes" est alors venu s'ajouter "de banlieue", ou issue de l'immigration.
Il y a donc eu un glissement progressif du sens de ce mot. Autrefois, cette désignation avait une connotation positive, une promesse d'un avenir. Aujourd'hui, le terme de "jeunes de banlieue" a souvent une connotation péjorative et désigne un groupe qui a du mal à s'intégrer et qui cumule les handicaps en terme de formation ou d'accès à un logement. Mais derrière ce qualificatif de "jeunes", y'a-t-il un groupe homogène ?

Une jeunesse ou des jeunesses ?

L'actualité récente a montré que derrière le terme de "jeunes", on désignait au moins deux groupes très différents l'un de l'autre.
Il faut d'abord distinguer les jeunes issus des milieux populaires, issus de l'immigration, ce qu'on résume parfois par "jeunes des banlieues". C'est sous cette appellation qu'ont été désignés les émeutiers de novembre 2005. Cette frange de la population se sent exclue, moins bien intégrée que leurs aînés et doit faire face à une accumulation de difficultés : problème de formation, de chômage, de logement.
Il faut différencier ce groupe des jeunes issus des classes moyennes ou supérieures, souvent étudiants, qui ont manifesté au moment du CPE au printemps 2006. Ces deux événements rapprochés dans le temps, les manifestations contre le Contrat Nouvelle Embauche et les émeutes de 2005, ont montré les différences au sein de ce groupe désigné sous le terme de "jeunes".

Le rôle des "jeunes" en politique

Les "jeunes électeurs" sont ceux qui s'abstiennent le plus au moment des élections par rapport au reste de la population. Pour autant, ils peuvent manifester un engagement politique, comme lors des manifestations anti-Le Pen en 2002 entre les deux tours de l'élection présidentielle.
Chaque parti politique tente de séduire une partie de la jeunesse. Le PS a son mouvement, le MJS "Mouvement des Jeunes Socialistes, l'UMP également avec les "Jeunes populaires".
Par ailleurs, dans les universités, il existe d'importants syndicats très politisés, comme l'UNEF (communistes), l'UNEF-ID (socialistes) ou l'UNI (syndicat étudiant de droite).

Les "jeunes" et la droite

La droite a toujours eu des relations conflictuelles avec les jeunes. La jeunesse a manifesté en Mai 1968 contre De Gaulle, en 1986 contre le projet de réforme Devaquet sur l'Université, en 1994 contre le CIP (Contrat d'Insertion Professionnelle) d'Edouard Balladur, ou encore plus récemment contre le CPE de Dominique de Villepin.
Nicolas Sarkozy entretient une relation difficile avec une partie de la jeunesse. Certains l'attribuent aux mots de "racaille" et "karcher", d'autres à ses positions de fermeté sur la sécurité, l'immigration ou encore sur ses prises de position contre le mariage homosexuel. Pour autant, il est difficile de ranger, comme on l'a vu, les "jeunes" dans une même catégorie. D'ailleurs, certains sondages viennent contredire ses arguments et montre que Nicolas Sarkozy serait le candidat le plus à même de régler les problèmes en banlieue (sondage du Journal du Dimanche). Il entretient donc avec la jeunesse des relations compliquées.

Les "jeunes" et la gauche

La gauche entretient de meilleures relations avec la jeunesse. Elle a toujours été au côté des jeunes lors des grandes manifestations de 1968, 1986, 1994 et 2006. Le discours de gauche visant la jeunesse est toujours centré sur les difficultés des jeunes à trouver un logement, un emploi, à s'intégrer, à acquérir une bonne formation professionnelle.
Dans le même temps, Ségolène Royal a donné des signaux contradictoires à la jeunesse. Sur le thème de la délinquance par exemple, elle n'a pas hésité à proposer la création de camp militaire pour jeunes délinquants comme une alternative à la prison. Elle a contrebalancé cette idée en faisant des propositions sur l'Education. Par exemple, dans le programme du Parti Socialiste figure la création d'une allocation autonomie pour les étudiants.

La tentative de capter l'électorat jeune est donc un élément important de réussite à l'élection présidentielle. L'enjeu est d'offrir un avenir à la jeunesse tout en étant ferme sur certains principes et éviter les débordements comme ceux de novembre 2005 ou de la gare du Nord de mars 2007.

*** Sources

- Crises et Alternances, Jean-Jacques Becker (sous dir.), Nouvelle histoire de la France contemporaine, Paris, Points Seuil, 2001
- Dictionnaire de la gauche, Hélène Hatzfeld (sous dir.), Paris, Larousse, 2007
- Dictionnaire de la droite, Xavier Jardin (sous dir.), Paris, Larousse, 2007

*** Lien

Article de Politique.net
- Les événements de mai 1968

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