Internet et blogs · 17 jan. 2007 à 10:27
L'irruption de ce nouveau média dans cette campagne présidentielle risque de bouleverser la politique. Le temps politique s'accélère avec internet, la transparence est désormais totale, la diffusion des idées ne passe plus forcément par les médias traditionnels comme l'a prouvé le référendum sur la Constitution Européenne en 2005. Explications.
Dans une tribune au journal Le Monde du 02 janvier 2007, intitulée "Les paradoxes du temps politique"
, Jean-Louis Andreani confirme que les politiques vont de plus en plus vite. La pression médiatique est toujours plus forte.
Cette accélération du temps politique est liée à plusieurs raisons. D'abord, le quinquennat a raccourci le temps du pouvoir : organisée tous les 5 ans, l'élection présidentielle imprime le tempo. Comme elle se prépare souvent 1 an avant, l'exécutif ne dispose plus que de 4 années pour gouverner pleinement et réformer. Par ailleurs, on est passé d'une démocratie représentative à une démocratie d'opinion. Ce sont désormais les soubresauts de l'opinion qui fixent les débats, contraignent les hommes politiques à agir. D'ailleurs, les deux principaux candidats, Royal et Sarkozy, scrutent méticuleusement les sondages d'opinion sur les principales questions politiques. Enfin, le temps politique est devenu le temps médiatique. Par exemple, c'est suite à la sortie du film Indigènes que les pensions de retraite des anciens combattants coloniaux ont été alignées sur ceux des combattants nationaux. "47 ans d'injustice"
réparés grâce à la sortie d'un film. De la même manière, le gouvernement a proposé un projet de droit opposable au logement, destiné à contraindre l'Etat à trouver un logement pour tous, sous peine de condamnation par la justice à verser des dommages et intérêts aux SDF. Cette loi préparée à la dernière minute est directement liée au mouvement médiatique de l'association "Les amis de Don Quichotte" qui avait installé des tentes sur le Canal Saint Martin à Paris. Plusieurs semaines d'un mouvement médiatique ont donc fait plus que des années de militantisme.
Dans cette accélération du temps politique et le passage à une démocratie d'opinion ou une démocratie médiatique, Internet joue un rôle central. Désormais, l'information circule beaucoup plus vite avec la toile. La diffusion des idées ne passe plus nécessairement par les médias traditionnels. A cet égard, le journal L'Humanité rappelle qu'Internet a joué un rôle important dans la campagne pour le NON au référendum sur la Constitution Européenne. En avril 2005, un enseignant, Etienne Chouard, proposait un texte argumentatif critiquant le projet de constitution européenne. Et l'humanité de rappeler qu'à raison de "30 000 visites par jour la consultation a dépassé, en très peu de temps, le million de visiteurs". Le quotidien communiste s'interroge alors : "Et si la Toile faisait pencher la balance ?"
. De toute évidence, avec 28 millions d'internautes, la France fait partie des pays les plus avancés dans la e-démocratie.
Les partis politiques ont vite compris l'importance de ce nouveau média et ont beaucoup investi. Le Figaro revient sur ce changement en précisant qu'Internet "va bouleverser l'agenda de la campagne"
. Désormais, il s'agit d'un média structurant, tout va plus vite. Les principaux candidats ont investi la toile : Royal avec www.desirsdavenir.org, ou à droite avec www.sarkozy.fr, www.bayrou.fr
La politique sur le net permet une plus grande transparence. Des sites d'experts travaillent notamment sur le chiffrage des programmes des candidats. Les blogs offrent aux citoyens la possibilité de prendre la parole.
Revers de la médaille, plusieurs affaires sortent sur le net. C'était le cas de la fameuse vidéo de Ségolène Royal sur les profs. Elle y expliquait qu'elle voulait faire travailler les profs 35h, mais qu'il ne fallait pas le dire tout haut pour éviter de s'attirer les foudres des syndicats d'enseignants. Plus récemment, la diffusion sur Internet d'une rumeur concernant le paiement de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune du couple Royal/Hollande a contraint Ségolène Royal à rendre public sa déclaration fiscale pour mettre un terme à la polémique. Ces derniers faits marquent les dérives possibles d'un média qui ne peut être contrôlé et dont l'authenticité des sources d'informations doit toujours être vérifiée. Mais nul doute que si les pratiques de ce nouveau média répondent à des critères éthiques, la politique ne se fera plus tout à fait de la même manière avec l'émergence d'Internet.