Henri Guaino, portrait du conseiller spécial de Nicolas Sarkozy

Enquête · 1er avr. 2009 à 21:31

Henri Guaino

Tous les matins, à 8h30, se tient une réunion dans le salon vert, à l'Elysée, autour de Nicolas Sarkozy. C'est la réunion la plus importante de la journée, là où se prennent toutes les décisions. Nicolas Sarkozy y définit la stratégie du pouvoir à l'aide de douze conseillers. C'est le gouvernement bis. Autour de la table, on trouve Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, Henri Guaino, la plume du président, Catherine Pégard, l'ancienne rédactrice en chef du Point, conseillère politique, Emmanuelle Mignon, la conseillère spéciale, Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, Cédric Goubet, chef de cabinet, Raymond Soubie, conseiller social, Jérôme Peyrat, conseiller politique, Patrick Ouart, conseiller à la justice et Franck Louvrier, conseiller en communication, Xavier Musca, secrétaire général adjoint. Tous ont la confiance du président. Portraits de ce gouvernement de l'ombre.

Série 10/12 : Henri Guaino, la plume du président

Elysée, la réunion de 8h30

Origines et formation

Henri Guaino est né le 11 mars 1957 à Arles. Sans père, il est élevé par sa mère, femme de ménage, et par sa grand-mère. Guaino est le nom de son beau-père que sa mère épouse quelque temps avant de s'en séparer. Malgré des origines modestes, il fait des études d'Histoire, obtient une licence puis intègre Sciences Po à Paris. Par trois fois, il tente l'ENA mais échoue au concours. Il passe finalement un DEA d'économie.

Economiste

Il commence une carrière professionnelle dans le privé. Il entre à la direction du Crédit lyonnais en tant qu'économiste. Parallèlement, il donne des cours dans deux grandes écoles : à l'École supérieure de commerce de Paris et à l'École normale supérieure de Saint-Cloud. Il est ensuite maître de conférences à Sciences Po.
A partir de 1984, il est chargé de mission à la direction du Trésor au ministère des Finances et adjoint au secrétaire général du Club de Paris. Il se spécialise en devenant responsable de la recherche finance au groupe Louis Dreyfus puis des activités des banques d'affaires et gestions des participations.

Un proche de Philippe Seguin

A la fin de ses études à Sciences Po, Henri Guaino entre au cabinet de Robert Poujade, maire de Dijon qui le présente au secrétaire général du RPR, Franck Borotra. C'est lui qui le fait entrer dans le cercle Seguin/Pasqua. Entre Philippe Seguin et Henri Guaino de véritables liens se tissent de par leurs origines méditerranéennes, leur goût pour les mots, l'Histoire, et Charles de Gaulle. Et surtout, ils ont une même vision de la politique qui voudrait éviter le clivage entre la gauche et la droite.
En 1992, Philippe Séguin nomme Henri Guaino directeur de campagne lors du référendum sur le traité de Maastricht. Ensemble, ils prônent le « non ». Seguin le garde à ses côtés comme chargé de mission à l'Assemblée nationale. Par la suite, il entre dans le cabinet de Charles Pasqua en tant que conseiller technique au ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire. Ils collaborent ensemble et maintiennent des liens professionnels jusqu'à ce que Charles Pasqua s'allie avec Philippe de Villiers.
Il suit ensuite Philippe Seguin dans l'équipe de campagne du candidat Jacques Chirac à la présidentielle. Il est alors promu Commissaire général au Plan, démissionné par le Premier ministre, Lionel Jospin avec qui il se retrouve notamment en désaccord sur la publication d'un rapport sur le chômage non conforme à l'analyse gouvernementale. Pendant une année, il se retrouve sans fonction.
En 2001, Philippe Seguin se présente à la Mairie de Paris. En soutien, Henri Guaino s'inscrit sur la liste officielle du RPR à la Mairie du Vème arrondissement face à Jean Tibéri. C'est un échec cuisant : Henri Guaino n'obtient que 9,6% des suffrages contre 40% pour Jean Tibéri.

Plume puis Conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l'Elysée

Par le biais de Jean-Marie Messier, Henri Guaino, en 1988, est chargé de réécrire les interviews du candidat à la présidentielle, Jacques Chirac.
En 2006, Henri Guaino est décidé à aider Nicolas Sarkozy à faire campagne pour la présidentielle. Il lui propose de rédiger ses discours. Partisan de la synthèse, il propose au candidat de s'écarter de ses idées de communautarisme et de l'atlantisme pour réunir autour de lui un maximum d'électeurs.
Parmi ses nombreuses idées, Henri Guaino fait apparaître dans les discours les figures emblématiques de gauche comme Jaurès, Blum et Guy Môquet. Pour justifier ses références, il s'explique ainsi : « Nicolas Sarkozy a lu des textes de Jaurès. Il n'y a aucune raison de trouver absurde qu'un Français, qui vient de la droite ou de la gauche, trouve dans des textes de Jaurès quelque chose qui reflète sa propre conception de l'éducation. On a cité des propos de Jaurès qui illustraient parfaitement le projet éducatif de Nicolas Sarkozy. Pourquoi ne pas le citer ? » (Entretien dans Marianne).
Connu pour son ego surdimensionné et sa susceptibilité, Henri Guaino ne supporte pas l'idée que l'on puisse remanier ses discours, sauf si cela vient de Nicolas Sarkozy en personne. Quand Claude Guéant, en novembre 2006 à la veille d'un meeting à Saint-Etienne, se permet de retoucher un passage sur le discours du candidat qu'il juge trop anti-européen, Henri Guaino s'enflamme et donne sa lettre de démission à Cécilia Sarkozy. Finalement, le candidat parvient à le convaincre de rester auprès de lui.
Quand Nicolas Sarkozy est élu président de la République, il pense à Henri Guaino au poste de conseiller spécial à l'Elysée. Il est de nouveau chargé d'écrire les différents discours du Président. C'est encore lui qui lui suggère de faire lire la dernière lettre de Guy Môquet à tous les élèves le 22 octobre 2007, en guise de symbole de la France.
Tous les thèmes des discours sont débattus entre Nicolas Sarkozy et Henri Guaino. Parfois, les idées du conseiller ne sont pas retenues. C'est le cas par exemple de la fusion EDF-GDF, la TVA sociale...

A la tête de la mission interministérielle de l'Union pour la Méditerranée

Le 28 novembre 2008, Henri Guaino est nommé à la tête de la mission interministérielle de l'Union pour la Méditerranée. Cette mission est rattachée au gouvernement et concerne les ministères des affaires étrangères et du budget. Or, cette nomination soulève la polémique puisque si légalement un conseiller du président peut occuper cette fonction, certains évoquent l'article 20 de la Constitution précisant que "le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation" et qu'"il est responsable devant le Parlement". A nouveau, par cette nomination, Nicolas Sarkozy veut montrer que le ministère des Affaires étrangères est sous la houlette de l'Elysée qui commande et dirige toutes les décisions. Ainsi, concernant le dossier sur l'Union pour la Méditerrannée, Henri Guaino se met en concurrence avec Bernard Kouchner.

Commentaires