L'UMP utilise l'argent de la formation des élus pour financer banquets et cocktails

Le Canard enchaîné · 26 déc. 2008 à 18:01

cocktails et politique

Comprendre comment fonctionne un appel d'offre, maîtriser le code des marchés ou respecter les règlements d'urbanisme nécessitent des connaissances. Selon la loi, les 550 000 élus locaux ont le droit à une formation. Chaque année, les mairies, communautés d'agglomération, conseils généraux, conseils régionaux financent des formations accélérées pour leurs élus locaux. 165 sociétés et associations sont agréées par l'Etat pour organiser ces séminaires. Plusieurs dizaines de millions d'euros sont dépensées chaque année pour la formation des élus. Si la plupart de ces sociétés réalisent un travail indispensable pour guider les élus locaux dans un système administratif souvent très complexe, parfois, ces formations ne sont que le prétexte pour financer de grands buffets, pour compléter un budget de campagne électorale, pour arrondir les fins de moi d'un parti. C'est ce qu'a révélé Le Canard Enchaîné dans son édition du 17 décembre 2008... dans l'indifférence générale.

Revue de presse

- Hervé Liffran, "Du homard au menu de la formation des élus", Le Canard Enchaîné n°4599, 17 décembre 2008

Des formations d'élus dans de grands restaurants

Le 9 décembre 2008 se tenait une session de formation intitulée "le développement des universités". 24 élus UMP étaient conviés à cette séance travail à laquelle participaient la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, l'ex-président de l'université Paris-IV-Sorbonne et l'actuel président de l'université Paris-Dauphine. Cette formation a été financée par la mairie de Paris dans le cadre de la formation des élus.
Tout est légal donc. Sauf que, selon le Canard Enchaîné, cette séance de travail s'est tenue dans un salon du Procope, restaurant du quartier de l'Odéon pour une note de 90 euros par convive (apéritif, homard, médaillon de veau aux petits légumes) refacturée 500 euros à la mairie de Paris puisqu'il s'agissait d'une formation d'élus. L'association qui a organisé ce "séminaire de travail", proche de l'UMP, a donc fait un bénéfice net de 9000 euros. Et toujours selon le Canard Enchaîné, la séance de travail n'a pas été très intensive : Valérie Pécresse ne serait restée qu'une demi-heure au restaurant, tout comme l'ex-président de la Sorbonne. Seul le président de Paris Dauphine serait resté jusqu'au bout.

Quand l'UMP imprime un programme de travail bidon

Ce n'est pas la première fois que le parti de Nicolas Sarkozy utilise l'argent des élus pour organiser des buffets ou des cocktails. Le 23 octobre 2008 a eu lieu un séminaire de formation sur la sécurité à Paris avec le préfet de police. En réalité, il s'agissait d'un banquet avec un haut fonctionnaire sans qu'il n'y ait eu une véritable séance de travail. Ayant des doutes sur la réalité de la formation, les services de la mairie de Paris ont souhaité obtenir davantage d'informations sur l'organisation de la soirée. Après coup, pour obtenir le remboursement de la note, l'UMP a donc édité un programme de travail bidon. Contactés par le Canard Enchaîné, plusieurs participants ont confirmé qu'il n'y avait eu aucune séance de travail. D'ailleurs, à l'heure où les élus UMP étaient censés plancher sur la sécurité à Paris, le groupe UMP était réuni pour une réception à la mairie du XVIIe arrondissement. Il n'y a donc vraisemblablement jamais eu de formation, aucun programme de travail étalé sur plusieurs jours, simplement un repas dans un grand restaurant.

Un moyen détourné pour financer meetings et campagnes électorales

Parfois, l'argent de la formation des élus sert à financer des meetings. Par exemple, en avril 2006, la mairie de Paris a financé une partie de la facture des états généraux de l'UMP Paris et le meeting de Nicolas Sarkozy sous prétexte que ces manifestations "formaient" les élus. Interrogé par le Canard Enchaîné, l'adjoint de Bertrand Delanoë a reconnu que "c'était un peu limite, mais on a fini par payer".
Dans d'autres cas, l'argent de la formation des élus sert à compléter le budget d'une campagne électorale. Par exemple, Françoise de Panafieu, candidate à la mairie de Paris, a suivi des cours d'expression orale pour 6550 euros, facturés par une société appartenant à l'un de ses adjoints. La candidate UMP est même allée jusqu'à demander le remboursement d'une partie de ses déplacements à l'étranger au titre de "formation". La mairie de Paris a ainsi reçu une note de l'hôtel King David de Jérusalem dans lequel un collaborateur UMP aurait suivi une formation. Cette fois-ci, Bertrand Delanoë a refusé de payer sans que Françoise de Panafieu ne proteste, comme le relève le Canard Enchaîné.

Des associations très proches des partis politiques

Si l'argent des élus est détourné, pourquoi les collectivités locales acceptent-elles de payer ? Pourquoi Bertrand Delanoë ferme-t-il les yeux sur les dépenses douteuses de l'UMP Paris ? En réalité, ce black-out total est lié aux conditions dans lesquelles se déroulent les séminaires de formation des élus. Légalement, ces séminaires ne sont pas assurés par les partis eux-mêmes mais par des associations agréées. Or, ces associations sont la plupart du temps très proches des partis.
Par exemple, à l'UMP, la principale association agréée est l'ANDL (Association Nationale pour la Démocratie Locale). Le siège de cette société se trouve au 55 rue de la Boétie, autrement dit à la même adresse que l'UMP. Le vice-président de l'association n'est autre que Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP. L'ANDL n'est donc qu'une branche de l'UMP qui reçoit l'argent de la formation des élus et participe ainsi au financement d'une partie du loyer très élevé du siège de l'UMP.
A gauche, la situation n'est guère plus saine. Sous couvert de la formation des élus, le Parti Socialiste organise une journée de travail la veille de l'Université d'été de la Rochelle. De nombreux élus s'y inscrivent mais ne se rendent pas à la formation. Leur inscription n'a pour but que d'obtenir le remboursement des frais de transport et d'hébergement. Certains courants du PS ont même créé leur propre centre de formation pour financer une partie de leurs acticités. C'est ce qu'a reconnu Vincent Peillon fondateur de l'institut Edgar Quinet. Grâce à son centre de formation, son institut a pu financer de nombreuses activités et a même fait des bénéfices.


Lorsque ce type de dérives est passé sous silence, cela signifie généralement que tous les partis politiques ont des pratiques plus ou moins douteuses. Même si la majeure partie de l'argent de la formation des élus correspond effectivement à des dépenses nécessaires au bon fonctionnement des collectivités locales, le détournement de l'argent des élus pour financer des cocktails, des frais de bouche, un meeting ou des déplacements apparaît une pratique bien ancrée au sein de la classe politique.

*** Liens

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